Charleroi vu d’en bas

Le 12 mai 2015 - par Priscilla Dubus

À coups de projets d’urbanisation pharaoniques entrepris depuis quelques années, la ville de Charleroi se renouvelle, change de visage, tente de noyer les clichés et de renouer avec l’expansion économique. Au cœur de la ville, la création d’un quartier d’affaires sur le pôle des Finances et la modernisation du Palais des Expositions autour de la gare du Sud permettront la redynamisation des noyaux d’activité urbaine. Mais si la réelle métamorphose se situait ailleurs ?

 

Photo prise par un enfant primaire à Charleroi

Entrée de l’Athénée Royal Vauban, photographiée par l’un des élèves de la classe de primaires, à Charleroi.

 

L’école ne doit pas être le reproducteur d’inégalités sociales

Depuis plusieurs années, des questions s’élèvent quant à la relation et l’influence de l’origine sociale des élèves sur leur enseignement. À Charleroi, ville à la réputation souvent mauvaise et dont l’image que l’on s’en fait est plutôt celle d’un milieu défavorisé, n’est pourtant pas en reste au niveau éducation et se trouve même parmi l’un des enseignements les plus développés en matière de culture.

John, un élève de cinquième secondaire à l’Institut Saint-Joseph de Charleroi, en dit plus sur les activités culturelles organisées par son école.

Dans le centre-ville et à la périphérie, le corps professoral met en place de nombreuses activités pour assurer le développement et l’aboutissement d’un projet éducatif et culturel, à la fois instructif et bénéfique pour les élèves. Certaines écoles du centre-ville de Charleroi organisent ainsi, en sus des différents voyages scolaires mis en place dans les grandes villes européennes, des exercices et des sorties au théâtre entre trois et cinq fois par an.

Maëlle, élève en quatrième secondaire à l’Institut Saint-André de Charleroi, explique ce que lui apporte ses cours de théâtre.

De l’avis des professeurs, c’est nécessairement en emmenant les élèves à l’extérieur de l’enceinte de l’école qu’ils réussiront le défi d’intéresser les jeunes à la culture. « Nous essayons de faire naître la curiosité auprès de nos élèves. Les amener au théâtre participe certainement à une amélioration de l’approche qu’ils se font de l’école en général. Ils comprennent que nous sommes réellement ici pour leur faire découvrir des choses », analyse également Katy Hetmans, professeur de français à l’Athénée Royal Vauban.

L’ouverture à la culture : pas seulement de sporadiques excursions au théâtre

Divers projets sont nés de cette volonté de nourrir la curiosité des élèves pour la culture. C’est notamment le cas de l’« Art à l’école », une initiative du Centre dramatique de Wallonie pour l’enfance et la jeunesse (CDWEJ). L’organisme œuvre depuis 1982 à rapprocher monde de l’enseignement et monde artistique. « Nous proposons des programmes au sein desquels les élèves ne sont plus simples spectateurs mais acteurs et metteurs en scène de pièces écrites en collaboration avec leur professeur, le tout chapeauté par des résidences d’artistes dans les classes » décrit Sarah Colasse, organisatrice de l’évènement.

« Art à l’école » réunit des jeunes de la crèche à l’enseignement supérieur, dans le but de leur faire connaître la culture de manière différente. « Les faire participer aux pièces permet probablement de les faire sortir des traditionnelles excursions au théâtre, vécues par certains comme une contrainte, pour, au contraire, leur montrer que le théâtre et la culture en général peuvent être amusants », appuie Pierre Noël, en charge de la programmation « Jeune public » à l’Eden de Charleroi.

Voici un extrait d’une pièce de théâtre jouée à l’Eden par les élèves de cinquième secondaire de l’Athénée Royal Vauban, à Charleroi.

 

Pas de projet global, place à l’initiative des professeurs et des directeurs d’écoles

« Les projets existent, mais rien n’est fait à l’échelle gouvernementale pour assurer la cohésion d’un projet global d’ouverture à la culture en communauté française », regrette Pierre Sclaubas, directeur de l’Athénée Royal Vauban. Si les autorités affichent clairement leur volonté de faciliter l’accès à la culture pour les élèves, c’est aux professeurs et à la direction des écoles que revient la tâche de créer un réseau avec les directeurs des théâtres afin de mener leurs projets culturels à bien. En conséquence de quoi la quantité de ces derniers fluctue largement en fonction du centre scolaire observé. « J’ai connu différentes façon d’aborder la question, confirme Laurence Falque, professeur de français à l’Athénée Royal de Jambes, certaines écoles dans lesquelles j’ai enseigné se contentaient du minimum, tandis que d’autres faisaient de la culture une véritable priorité. »

Force est naturellement de constater l’engagement que nécessitent ce genre d’initiatives. Certains professeurs avancent l’argument du respect de leur programme scolaire pour modérer l’engouement culturel et préfèrent reléguer ces pratiques au second plan. Toutefois, une majorité d’enseignants a déjà pris conscience de la plus-value que peuvent représenter ces projets pour les élèves, grâce notamment à la cohésion et à l’entraide qu’ils favorisent au sein des classes.

Si pour la plupart des élèves,  le théâtre rassemble et permet de mieux s’exprimer, nombreux voient encore cette pratique comme un simple loisir et non comme un métier. Plus tard, ces élèves de rhéto, rêvent plutôt de devenir conducteurs de train ou encore chauffeurs de bus, des métiers bien loin du monde du spectacle et de l’art.

 

S’éloigner du métier d’artiste, assurer son avenir

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes doutent encore de la viabilité du métier d’artiste et préfèrent opter pour la sécurité de l’emploi avec des professions plus stables et plus recherchées comme chauffeur de bus ou encore informaticien. Et même si la volonté des professeurs est de cultiver et de développer le côté artistique de chacun d’entre eux, il reste souvent difficile de convaincre les élèves à en faire leur métier. Ils les encouragent alors à se tourner vers des profils plus demandés.

Penser à l’avenir, c’est penser à son futur. Un futur que beaucoup souhaitent sûr et serein. Peut-être est-ce à force de penser aux contraintes de la vie que nos choix sont pervertis ? Avec le temps, notre innocence et notre simplicité disparaissent petit à petit pour laisser place à la peur de l’échec et au souci d’assurer son avenir. Heureusement, encore bien loin de toutes ces préoccupations, des petits Carolos, encore en maternel, expriment avec un appareil photo les simples joies et découvertes de la vie.

Voici une petite balade enfantine pour terminer cet article en douceur. Une touche de légèreté qui fait voir Charleroi autrement.

  • Photos prises par des élèves de l'enseignement maternel à Charleroi.

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