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Bruxelles Bondy Blog

Le passé, présent pour le futur

Quand des anciennes usines industrielles sont transformées en lieux de culture, Charleroi renaît.

par Mathieu Neuprez, Virgile Tron, Quentin Vanderstichelen, Martin Van Laethem

Bois du Cazier, le passé

A l’origine, une catastrophe. Une tragédie minière. Le 8 août 1956, un incendie éclate dans une mine à Marcinelle, dans la région de Charleroi. Ce jour-là rentrera dans l’histoire de la Belgique comme l’une des plus grandes catastrophes industrielles du monde. 262 mineurs périrent, piégés par les flammes et les fumées toxiques.

Malgré ce cataclysme, le travail reprendra dans la mine jusqu’en 1965 avant de sombrer définitivement en 1967. L’usine sera laissée à l’abandon pendant plus de 30 ans avant qu’un consortium ne décide d’y ériger un supermarché à la place. Sympathique commémoration…

Heureusement pour le site, une poignée d’anciens mineurs, survivants du drame, s’y opposèrent fermement. Avec l’appui du public et un mouvement d’opinion de grande envergure, le site fût réhabilité en 2002 pour aujourd’hui devenir un musée.

Les ruines furent reconstruites presque à l’identique grâce aux photos d’archives. Le lourd passé industriel peut enfin témoigner. Parmi ces anciens mineurs, seul un vit toujours : Urbano Ciacci.

Mineur, métier disparu

Il est 10h50 en ce jeudi ensoleillé du mois d’avril. Sur le parking du Bois du Cazier, nous apercevons un homme muni de ce qui ressemble à un casque de chantier avec une lampe frontale dessus. De vieux habits bleus d’époque rappellent le passé. Une lampe à essence se consume lentement. Pas de doute, c’est l’homme que nous recherchons. Urbano Ciacci, dernier mineur qui peut témoigner dans la tragédie minière de 1956.

Un fort accent italien, l’oreille un peu dure et la voix chevrotante, l’homme a le regard dur et perçant. Agé de maintenant 79 ans, il est venu en Belgique avant ses 18 ans, désertant son Italie natale pour venir travailler, comme la plupart des immigrés de l’époque d’ailleurs.

A l’époque minière, les travailleurs n’étaient par des personnes mais des numéros. Urbano s’est vu assigner le 709, ce numéro est arboré fièrement sur une médaille dorée au-dessus d’un « Ex-minatori ».

Mineur au Bois du Cazier

Une mine à consonnance italienne

La larme à l’œil, Urbano raconte qu'il aurait dû se retrouver 975 mètres sous terre dans la mine pourtant ce 8 août 1956, jour du drame. Des problèmes administratifs lui sauvèrent la vie. Tous ses meilleurs amis sont morts ce jour-là. Parmi les 262 victimes, 136 Italiens périrent, mais aussi 95 Belges, des Polonais, Grecs, Ukrainiens, Français. Urbano nous confie : « Tous étaient mes amis. Il n’y avait pas de place pour l’intolérance dans la mine. »

Dans les années qui suivirent, Urbano décida de mettre en place un mémorial pour les 262 victimes. Le 8 décembre 1985, il créa, avec les derniers mineurs en vie, l’"Associazione Ex-minatori Marcinelle" qui rend hommage aux victimes de la tragédie du Bois du Cazier. Sur la plaque en marbre, aux côtés d’autres, la plaque énonce « Il vostro sacrificio cambio la nostra vita ». Ses yeux verts rougis par l’émotion, Urbano s’exclame : « C’est nous, une poignée de mineurs, qui avons combattu pour faire de ce site, un musée. Un endroit où la mémoire des victimes est respectée ! »

Toussotant encore à cause de son ancien travail, Urbano n’est pas pour autant triste de se souvenir : « C’est un plaisir de venir ici, je viens ici pratiquement tous les jours, je raconte ce que j’ai vu car je suis le dernier à pouvoir le faire ».

Fort de 45.000 visiteurs par an, le site grandit et Urbano prend toujours plaisir à décrire ce qu’il a vécu bénévolement. Surtout quand il s’agit d’Italiens venus exprès à Marcinelle pour marcher sur les traces de la catastrophe. Se remémorant l’immigration italienne massive de l’époque, Urbano n’oublie pas de nous rappeler que sur les 136 Italiens qui perdirent leurs vies ce 8 août 1956, 60 venaient des Abruzzes et beaucoup d’entre eux venaient du petit village de Manoppello.

Salle des pendus

Le Rockerill, le présent

Mettre de la musique à fond dans une ancienne usine de métallurgie, une idée farfelue ? A Charleroi, c’est possible. Dans une longue rue industrielle sans fin, une énorme porte en fer, semblable à d’autres, s’érige. A priori, rien de particulier si ce n’est une devanture ornée d’un disque 33 tours. A l’intérieur, le paradis de la récupération s’offre au regard. Des anciens câbles servent de tables, les vieux piliers de l’industrie sont maintenant transformés en décorations et là où les travailleurs suaient leurs labeurs, les fêtards transpirent à grosses gouttes sur un rythme effréné, tantôt électro tantôt rock.

Le BPS 22, le futur

S’inscrivant dans une construction du dynamisme de Charleroi par la culture, le BPS 22, ancien haut-lieu de l’activité industrielle, va bientôt se transformer en musée d’art contemporain. Sa réouverture aura lieu le 26 septembre 2015.

Le BPS 22, qui n’est autre que l’ancienne université du travail, prend place dans la ville haute de Charleroi qui a une réputation non dissimulée de quartier « chaud ». Des seringues jonchent les sols, les dealers se donnent souvent rendez-vous pour animer leur marché et la propreté demeure facultative.

Pourtant le bâtiment qui abritera très prochainement un nouveau musée d’art contemporain est superbe. Les verres des vitres sont là pour rappeler les vestiges industriels du passé du BPS 22. Quant à l’intérieur, tout est remis à neuf. Disposant d’une superficie énorme, l’endroit est idéal pour donner l’occasion à des artistes d’exposer.

Avec un aménagement public en constante évolution ces dernières années, notamment une remise à neuf du la ville basse, la construction d’un nouveau centre commercial et ce genre d’initiatives, Charleroi essaye de renaître de ses cendres.

Le BPS 22 en 3 questions

Pourquoi avoir choisi un ancien bâtiment industriel ?



Votre démarche s'inscrit-elle dans une optique de redynamisation de la ville de Charleroi?



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