Nicolas Buissart, un Carolo qui remue la ville

Le 18 déc 2015 - par Charlotte Steenackers

Un personnage controversé

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Pascal Verhulst, attaché culture du bourgmestre de Charleroi, est de ceux qui apprécient le safari de Nicolas. Ce n’est pas pour autant qu’il le soutien à 100% : « Il a toujours tendance à un peu cracher dans la soupe au niveau des socialistes et c’est ce que je lui reproche un peu. »

Ses piques aux socialistes, Nicolas ne les cache pas et c’est aussi la politique en général qu’il attaque. « J’aime bien, je trouve que notre époque nous permet de faire ça. Quand je vois du temps de mes parents, on ne pouvait pas dire tous des trucs comme ça. »

Nicolas ne garde pas sa langue dans sa poche et c’est aussi un peu ce que lui reproche l’ex-échevin du tourisme de Charleroi Anthony Dufrane qui s’était ouvertement opposé au safari il y a trois ans : « Ce qui me dérange vraiment c’est les interviews qu’il donne avec une accroche du genre « Venez voir la ville la plus dégueulasse du monde ». C’est à l’extrême mais c’est grâce à ça qu’il va attirer cette population de curieux. »

Et cette population de curieux, il l’attire, mais pas uniquement des touristes. La presse internationale a beaucoup parlé de l’artiste carolo, mais également de la ville. Nicolas nous explique la nécessité pour un artiste d’avoir une certaine visibilité. « Quand t’es en art, dans des écoles d’art. On se monte tellement la tête qu’on se dit que ça doit passer par la presse et tout ça et donc il y a une espèce de  recherche d’attention médiatique. »

Cette recherche d’attention médiatique, il s’en lasse et nous avoue être plus calme ces derniers temps. « L’identité et tous des trucs comme ça, c’est toujours en progression, je ne vais jamais avoir le même point de vue. D’ailleurs ici, j’en ai marre d’avoir des points de vue. Parce que visiblement les points de vue choque et ça me fatigue de choquer les gens. J’essaye de me faire discret. À l’époque ça m’excitait de les choquer. C’est pas dur de choquer les gens, mais j’avais pas calculé la rancune. »

Par rancune, il parle de propos qui lui sont encore reprochés des années plus tard, alors qu’il a « évolué » et souvent même changé d’avis. Il y a pourtant des gens qui soutiennent ce côté du Carolo, comme l’artiste également carolo Benito. « Il est comme une espèce de fou du roi, c’est celui qui ose dire au roi les choses que personne ne peut dire », explique Benito en ajoutant que « toute ville a besoin de son Nicolas. »

Le City Safari, un projet en évolution constante

Nicolas n’est pas le seul qui change, Charleroi aussi connait des changements de restructuration. Des changements auxquels il devra bientôt faire face, comme nous explique Verhulst : « Je crois que son projet va avoir des limites dans le sens où il capitalise aussi sur l’aspect industriel, mais il va y avoir une réaffectation structurelle et urbanistique. »

Des changements auxquels Nicolas a déjà dû faire face suite aux contraintes qu’il a pu rencontrer et il est donc prêt à les affronter. « J’en ai encore pour deux ans avant qu’il n’y ait de véritables changements et après il va falloir que je trouve. Ou alors il y a un truc qui devrait se présenter. » Il reste ouvert à toutes possibilités et préfère « improviser » sur le moment même.

La ville et le safari évoluent, la ville fait évoluer le projet, mais le projet fait aussi évoluer la ville. « Maintenant il y a plein des gens qui vont là-bas dans les endroits que Nicolas montre, comme les urbexeurs », nous raconte Benito.

L’urbex, de l’anglais « urban exploration » consiste à explorer des lieux abandonnés interdits ou difficiles d’accès, un peu comme Nicolas le fait avec son safari. Il permet d’ailleurs aux urbexeurs de trouver des nouvelles adresses.

Cette nouvelle présence, Benito s’y oppose : « Les urbexeurs laissent leur déchets sur place, prennent des choses, alors que normalement en urbex on ne fait pas ça. Alors on se dit est-ce que c’est bien de montrer ou pas ? Maintenant c’est bien d’en profiter, parce que comme on dit tout va être cassé. »

« Tout va être cassé » dit-il avec regret, et c’est aussi l’avis de Nicolas. « De toute façon ces bâtiments n’en ont plus pour longtemps. » Ces bâtiments qui gâchent le paysage carolo vont manquer.

Nicolas, une vie en cycle

Derrière tout cela il n’y a pas qu’un artiste, Nicolas aime aussi se dire anthropologue : « Le safari au début c’était un peu une expérience sur les gens. » Il aime observer les gens et grâce à la variété de gens qui viennent en safari à Charleroi, il est servi.

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De l’ambassade de Suisse à des prisonniers en réinsertion, il en a vu passer des touristes. « Ce qui est marrant c’est que c’est les prisonniers en réinsertion qui quand on passait sous une clôture ou autre, c’est eux qui faisaient la remarque « Et on n’a pas le droit d’être ici ». »

Il est souvent entouré de gens et on est donc étonné d’apprendre qu’il garde une certaine timidité. « Je ne vais pas vers les gens, je suis un peu un handicapé social à ce niveau-là et du coup les safaris ça ramène les gens à moi et quand tu dépasses cette étape-là, après je peux être sympathique. »

Un projet qui satisfait sa curiosité, mais qui ne pourra pas durer éternellement et il en est bien conscient. « Ce qui me trouble, c’est que j’avais l’impression de fonctionner en cycle et ici j’ai l’impression qu’il y a un cycle qui se termine. »

Et quand on lui demande ce qu’il pense faire plus tard : « Du moment que je suis content, je m’en fous de ce que je fais. Je ne veux pas forcément être artiste, c’est aussi un truc que j’ai dépassé. Je n’ai pas besoin à tout prix de transformer les objets. Je suis plus dans les idées. »

« Sculpteur d’idées » calmé et qui en a marre de choquer, il attend une nouvelle cause pour le porter. « À différents moments de ma vie je me suis emballé puis je me suis calmé puis je me suis attaqué à autre chose. C’est ça ces cycles », conclut Nicolas.

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