Bitcoin, monnaie du futur ou fausse bonne aventure ? Retour au bruxelles bondy blog
Bruxelles Bondy Blog

Bitcoin, monnaie du futur ou fausse bonne aventure ?

Bien qu’il soit encore relativement inconnu du grand public, le Bitcoin est au centre de spéculations quant à son avenir. Malgré le krach de janvier 2014, la crypto-monnaie a su résister et continue son expansion malgré une valeur continuellement en baisse. Le Bitcoin, c'est quoi ? Qui s'en sert ? Dans quel cadre légal ? Et avec quel avenir ? Décryptage.

par Nicolas Claise

Le Bitcoin, une devise virtuelle

Des sites spécialisés fleurissent sur le net et des magasins, restaurants ou cafés du monde entier acceptent le Bitcoin comme moyen de paiement. Si cette devise virtuelle n’en est encore qu’à ses balbutiements, cette innovation technologique pourrait selon certains, s’immiscer dans nos vies et s’imposer comme un moyen de paiement les plus fréquemment utilisés dans le monde.

A l’heure actuelle, seules quelques grandes entreprises comme Virgin Galactic, Expédia.fr ou Apple proposent l’option de règlement en Bitcoin. En Belgique, la monnaie virtuelle ne récolte pas le même succès que chez nos voisins.

Des sociétés comme Pizza.be ou Mobile Viking proposent l’option de paiement par Bitcoin, mais celui-ci est encore loin de faire l’unanimité parmi les entreprises et les particuliers. S’il est souvent associé aux trafics et au blanchiment d’argent, ses antécédents et sa valeur hautement volatile l’empêchent d’être accepté par le grand public. Pour l’instant, il est encore considéré comme une « monnaie de geeks » et excepté le Bitcoin, les milliers d’autres crypto-monnaies attirent majoritairement des spéculateurs. Sur le plan juridique, les autorités européennes ont choisi de rester prudentes. Alors que les sénateurs américains se sont exprimés favorablement au sujet du Bitcoin, les Européens se montrent plus frileux. Aucune loi spécifique n’existe en Belgique, bien que la question ait été abordée au Sénat.

En attendant, la capitalisation boursière de la devise monétaire se maintient autour des cinq milliards de dollars. Si lors de sa création, un Bitcoin s’échangeait autour d’un dollar, il atteint aujourd’hui un peu plus de 220 euros.

Le cours du Bitcoin en temps réel

Bitcoin : mode d’emploi


Qu’est ce qu’un Bitcoin ?


Bruno Colmant, économiste belge et expert en monnaie, décrit les crypto-monnaies comme « des monnaies basées sur un protocole informatique cryptographié, c’est-à-dire une monnaie protégée par une sorte de clé informatique (un algorithme) qui protège et valide la monnaie. Elle ne peut être générée que par un travail informatique et se présente sous forme de codage, d’où son nom de crypto-monnaie… ».

Le Bitcoin est donc une monnaie virtuelle dont toutes les transactions sont intraçables et anonymes. Il n'y a pas d'autorité centrale ou de propriétaire et le réseau qui fait fonctionner le Bitcoin est basé sur un réseau ouvert (dit opensource : son algorithme est en libre accès). Bruno Colmant : « cette monnaie restera toujours marginale dans l’économie. Soyons clairs, jamais un travail presté par un ouvrier ou un professeur ne pourra être rémunéré par une crypto-monnaie. L’Etat a le monopole de l’impression de la monnaie et recevra toujours ses impôts en une monnaie qu’il a émise. Les crypto-monnaies ne sont donc qu’une version dématérialisée des pièces ou des billets. ». Elles échappent à tout contrôle étatique, sont universelles et leurs valeurs, comme toute monnaie, dépend de la confiance que ses utilisateurs lui accordent.

Bitcoin

Comment ça marche ?


Aujourd’hui, une transaction en ligne ou par Bancontact s’effectue systématiquement par l’intermédiaire d’une institution financière. L’utilisateur doit donc s’identifier auprès de sa banque afin de mener à bien sa transaction.

Les crypto-monnaies permettent de supprimer cet intermédiaire et les usagers s’échangent directement leurs Bitcoins (selon le principe du peer-to-peer). Cela leur permet d’effectuer des transactions anonymement et sans aucune intervention externe, ce qui diminue fortement les taxes. Des mineurs, des particuliers ou des entreprises vérifient la transaction contre une très faible somme de Bitcoin et c’est ainsi que le système s’autorégule.

Outre sa portée universelle, le double avantage d’une transaction avec cette devise est donc un anonymat et des frais de transaction très faibles.

Bitcoin

Comment en obtient-on ?


Il existe en Belgique une plateforme appelée Bitplaats. Elle permet d’acheter des Bitcoins après un virement ou une transaction en ligne. Elle crée un portefeuille virtuel appelé wallet, qui peut être stocké de plusieurs manières : soit sur un disque dur, soit en ligne sur un site spécialement dédié au stockage de Bitcoin, soit sous forme d’un QR code sur un papier imprimé.

A noter ici qu’un wallet perdu ne peut être retrouvé. On retiendra ici l’histoire d’un Anglais, jetant son disque dur alors que celui-ci contenait un portefeuille virtuel avec plus de 7 millions de Livres Sterling. Celui-ci ne l’a jamais retrouvé. (Voir la face cachée du Bitcoin)

Il est donc important de stocker ses Bitcoins consciencieusement car ici, pas question de remboursement, ceux-ci disparaissant dans la nature.

Bitcoin

Où peut-on en dépenser ?


Il est essentiellement utilisé sur internet et des milliers de sites proposent cette option de règlement. Il est possible de recharger le crédit de son téléphone via Viking Mobile, commander de la nourriture sur pizza.be ou acheter un billet d’avion sur Expédia.fr. Outre l’offre développée sur la toile, quelques établissements « physiques » sont également passés à l’ère de la devise virtuelle.

Il est possible de régler avec son smartphone dans certains commerces même si, en Belgique, l’offre est relativement faible. Dans la capitale, on dénombre actuellement un restaurant, une épicerie fine et un café proposant à leur client de payer en Bitcoin. Dans d’autres capitales européennes, l’engouement général est plus marqué et des villes comme Londres, Amsterdam et Paris comptent chacune une cinquantaine d’établissements.

Les Belges ne sont pas encore des Bitcoiners confirmés bien que selon le site Pizza.be, plus d’une centaine de commandes sont passées quotidiennement sur leur site, soit 5% des commandes quotidiennes.

Carte des établissements acceptant le Bitcoin


Bitcoinmap

Source : Coinmap.org

Et la loi dans tout ça ?


L’apparition d’une nouvelle technologie contraint systématiquement les autorités à relever de nouveaux défis juridiques. Aux Etats-Unis, les crypto-monnaies bénéficient d’une législation plutôt tolérante, les législateurs n’ayant pas jugé la monnaie comme une menace potentielle. En Belgique, la question a été posée au Sénat en juillet 2013 et le Ministère des Finances a répondu que : « Bien que le Bitcoin représente un outil potentiel pour le blanchiment d’argent ou d’autres activités illégales, il ne présente pas une menace pour la stabilité des prix ou le système économique en général. Une intervention du gouvernement sur le Bitcoin n’apparaît donc pas comme nécessaire pour l’instant. »

Les autorités estiment donc qu’il n’y a pas lieu de légiférer pour l’instant. Cependant, si le phénomène persiste ou prend de l’ampleur, il sera amené à résoudre le problème, comme nous l’explique Mr. Colmant : « L’Etat sera attentif à suivre l’évolution de l’utilisation du Bitcoin car il aime avoir le monopole sur la monnaie. Or, le Bitcoin est totalement décentralisé et il est fait pour échapper aux Etats, ce qui ne leur plaît pas. Je ne serais pas étonné que des spécialistes soient là pour voir si on peut lancer des virus pour tuer le Bitcoin. ». La Belgique n’est pas la seule à marcher à tâtons : en général, l’attentisme règne en Europe.

Les gouvernements préfèrent ne pas statuer sur la question, considérant l’utilisation du Bitcoin comme marginale et ne présentant pas un risque pour la stabilité économique. Dans le reste du monde, la Chine, voyant d’un mauvais œil l’engouement pour la monnaie, a interdit les transactions en Bitcoins dans les plus grandes banques du pays mais n’en a pas totalement interdit son usage. (A noter ici que selon des chiffres officieux, 80 pourcent des treize millions de Bitcoins dans le monde sont détenus en Chine et aux Etats-Unis) Seuls quelques pays comme l’Islande, soucieuse d’éviter la fuite de ses capitaux depuis la crise de 2008 ou la Russie ont interdit toute transaction en Bitcoin.

La face cachée du Bitcoin

Tout n’est pas rose dans le monde des crypto-monnaies. Au-delà de la forte spéculation qui entoure cet univers, c’est tout une partie obscure qui l’empêche encore de s’imposer comme une monnaie alternative potentielle. Il fournit par son intraçabilité et son anonymat, un outil idéal pour blanchir de l’argent ou d’autres activités illégales.


Le Bitcoin est très présent sur le darknet (réseaux privés virtuels, ndlr) où il sert de moyen de paiement à des sites vendant de la drogue ou des armes. Le FBI a d’ailleurs récemment fermé le site « Silk Road », considéré jusqu’alors comme « l’Amazon des drogues » sur le darknet. Il est donc également possible grâce au Bitcoin, d’acheter des armes, de la drogue ou toutes sortes d’autres produits illégaux tels que des faux-papiers ou des cartes de crédit. De plus, l’histoire du Bitcoin est, depuis sa création en 2009, semée d’embûches.

L’exemple le plus flagrant est la faillite de la principale plateforme d’échange de Bitcoins, Mr.Gox. Le 24 février 2014, cette entreprise privée de stockage et d’échange en Bitcoin déclare une perte record de 750 000 Bitcoins soit l’équivalent de 250 millions de dollars suite à un hackage informatique. Les clients ne seront jamais remboursés ce qui marque la fin de l’euphorie et affaiblit encore un peu plus l’image déjà peu stable de l’environnement du Bitcoin.

Une valeur définie selon la confiance qu’on lui accorde


Lors de sa mise en circulation en 2009, un Bitcoin s’échangeait à un peu moins de un dollar. En trois ans, son cours est passé à soixante dollars avant de profiter de la crise économique pour définitivement s’affirmer comme une monnaie alternative potentielle. Mais c’est en mars 2013 qu’a eu lieu le réel déclic.

En pleine déperdition, l’Etat chypriote annonce vouloir sauver les deux plus grandes banques du pays (Laiki et Bank of Cyprus) en taxant tous les comptes supérieurs à cent mille euros. Pris de panique, les investisseurs vident leurs comptes et l’option d’investir dans le Bitcoin se profile comme étant une alternative plus « sûre » que les banques locales. En quelques jours, le cours du Bitcoin double et finit même par atteindre 200 dollars. Après une accalmie de la crise européenne et suite à des attaques subies par des pirates informatiques, le cours descend mais finit par résister durant l’été 2013. Mais l’essentiel était fait : cette monnaie a attiré le regard du monde entier.

En automne, la demande explose grâce à l’intérêt des investisseurs chinois. La capitalisation totale est passée d’un milliard de dollars en juillet 2013 à quinze milliards en novembre 2013. L’action s’emballe jusqu’à atteindre 1242 dollars et même dépasser brièvement le cours de l’or. Cependant, l’euphorie fut de courte durée. Face à l’ampleur du phénomène, la Banque Centrale chinoise décide d’interdire aux banques du pays toute transaction en Bitcoin. Des géants de la distribution en ligne comme Baidu, leader dans l’acceptation des Bitcoins comme alternative de paiement décide de suspendre son utilisation. S’en est suivie dans les trois mois, une chute de 60% de sa valeur. Depuis, la Russie a également fait savoir via son président que « seule le Rouble peut être légalement utilisé dans le pays. ».

Aujourd’hui, le cours est toujours hautement volatile à cause de la jeunesse de la monnaie. Son cours, en dents de scie, baisse continuellement depuis plus de six mois et un Bitcoin s’échange autour de 222 euros. Si la confiance en la monnaie n’est pas rétablie, il sera difficile pour elle d’assurer sa pérennité à long terme.

L’avenir des crypto-monnaies : sans le Bitcoin ?

Depuis la création du Bitcoin, il y a cinq ans, ce sont des milliers de monnaies qui sont apparues sur le marché des devises virtuelles. Si la quasi-totalité de celles-ci restent cantonnées à la spéculation, la technologie est prometteuse et s’inscrit dans l’actuelle révolution numérique.


Aujourd’hui, des plateformes comme BTC-E ou Bitstamp permettent à ceux qui l’utilisent, d’échanger leurs Bitcoins contre des devises classiques ou virtuelles. Si le Bitcoin bénéficie d’une couverture médiatique que lui envient tous ses concurrents, il est aussi celui qui ouvre la voie aux autres crypto-devises. Parmi les milliers d’autres monnaies apparues sur le marché, on peut citer par exemple le LiteCoin, le DarkCoin ou le CannabisCoin. Toutes fluctuent énormément sur le marché et leurs valeurs dépassent rarement le centime d’euro. Si la majorité d’entre elles vont probablement disparaître dans les mois qui viennent pour être remplacées par d’autres, il se pourrait que certaines sortent du lot et s’imposent comme alternative au Bitcoin, voire même le détrônent.

crypto monnaies
Les crypto-monnaies se multiplient. Illustration: CanStockPhoto


Le futur du Bitcoin plus qu’incertain


Les plus rationnels d’entre nous ont annoncé sa mort il y a bien longtemps, tandis que d’autres restent confiants et continuent de croire en cette technologie. Bruno Colmant admet qu’il a jugé la monnaie trop vite : « Il y a un an je considérais le Bitcoin comme le « bitcon » mais j’avoue que je me suis trompé. C’est bien plus innovateur qu’on ne le pense. Finalement, même si le Bitcoin est un échec, il aura eu le mérite d’intéresser beaucoup de gens et de susciter un intérêt technologique qui peut-être n’aurait pas existé sans le Bitcoin ».

Bien qu’il soit difficilement concevable qu’elle devienne une monnaie universellement admise, cette avancée technologique offre une alternative aux personnes fuyant le système bancaire classique mais ce n’est pas tout. Au-delà des spéculations et des parties sombres qui entourent cette monnaie, il convient de la voir comme le prolongement logique de l’expansion d’Internet, un territoire virtuel sans frontière et autrefois sans loi dans lequel une frange de la population se reconnaît et défie l’ordre établi. Et ça, c’est certain.



Images: CanStockPhoto