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Brexit : ce que veut Cameron

Si le Grexit redouté depuis le début de la crise de l’euro semble un peu moins probable aujourd’hui, un nouveau néologisme fait frissonner l’Europe : le Brexit. Contraction de Britain et exit, il fait référence à la possibilité de voir le Royaume-Uni sortir de l’Union européenne.

par Justine DAUCHOT

Économie

Protéger les économies des États-membres hors Zone euro

À l’instar de huit autres États-membres (Bulgarie, Croatie, Danemark, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Roumanie et Suède), le Royaume-Uni a sa propre devise et ne fait pas partie de la Zone euro.

Le Danemark et le Royaume-Uni ont cependant un statut particulier. Lors de la mise en place du Traité de Maastricht (1992), une des conditions pour la ratification du document était la possibilité de ne pas adopter la monnaie unique européenne. Les deux états bénéficient donc d’une clause d’exemption ou opt-out, leur permettant de maintenir leur devise.

Comme le Royaume-Uni ne fait pas partie de la Zone euro, il n’a pas de place dans les décisions prises par l’Eurogroupe. Avec les élargissements successifs de l’Union, le Royaume-Uni craint d’être relégué parmi les États de seconde zone, où sa voix n’aurait que peu de poids dans les décisions en matière de budget et de finance.

La composition du budget

Le budget de l’UE est composé de diverses ressources calculées pour certaines sur base du Revenu national brut de chaque État-membre, et ce pour ne pas pénaliser les plus petits pays.

Composition du budget de l'UE

Le Royaume-Uni occupe par ailleurs une place prépondérante en tant que contributeur net (il donne plus qu’il ne reçoit) au budget européen.

Compétitivité

Renforcer la compétitivité des États-membres

Membre du Parti libéral, c’est naturellement que David Cameron souhaite garantir la place de l’Union européenne, et à fortiori du Royaume-Uni, sur le marché économique mondial. Simplifier les règlementations du marché unique et ouvrir l’Europe au marché extérieur serait un moyen de favoriser la croissance et la création d’emplois. Avec pour objectif de booster l’économie européenne… et britannique.

La ratification du TTIP, la modification des lois sur le travail ou encore des coupes dans les budgets des allocations sociales, mesures plutôt controversées, sont autant de moyens envisagés pour y arriver.

Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht, et la mise en place du marché unique en 1993, déjà ébauché par les Traités de Rome (CEE et EURATOM), les biens circulent librement au sein de l’Union européenne.

Pour Jude Kirton-Darling, députée européenne et membre du Parti travailliste britannique, le Royaume-Uni a tout intérêt à se maintenir dans l’Union : « Le pouvoir économique mondial change. Le marché unique nous protège de la grande vague du marché mondial. Nous sommes plus forts quand on parle d’une seule voix qui représente cinq cents millions de personnes. »

Tourisme social

Limiter l’immigration intra-européenne

La libre circulation des personnes, établie depuis la création de la Communauté économique européenne (CEE), semble également coincer du côté du Premier ministre britannique.

Population et immigration Royaume-Uni

Avec la signature des Accords de Schengen en 1985 (dont le Royaume-Uni ne fait pas partie) et leur intégration à échelle européenne dans le Traité d’Amsterdam en 1997, tout citoyen européen a le droit de se rendre dans un autre État-membre avec pour seul document un passeport ou une carte d’identité, à condition qu’il ne dépasse pas une durée de séjour de trois mois. Au delà, d’autres règles s’appliquent. Après cinq ans de séjour légal dans un autre État-membre, le citoyen européen acquiert le droit d’y séjourner de façon permanente.

Pour limiter l’immigration, dont une bonne part d’immigration européenne, David Cameron souhaite mettre un terme à un tourisme social de masse qu’il considère problématique. Comment ? En modifiant le processus d’attribution des allocations sociales, ce qui créerait une inégalité entre citoyens britanniques et non-britanniques. Le problème ? Cette mesure va à l’encontre des valeurs de l’UE, qui interdisent cette distinction.

L’attribution des allocations sociales étant une compétence nationale, chaque État-membre peut fixer les conditions d’accès à cette aide financière comme il l’entend.

Pourtant, pour certains députés britanniques, l’immigration, intra ou extra européenne, se révèle plutôt bénéfique : « Le Royaume-Uni n’a pas un grand problème d’immigration. Il en a besoin pour faire tourner l’économie. Les immigrants apportent plus qu’ils ne prennent confie Jude Kirton-Darling. Il y a un grand danger lié à la crise économique, à la crise des réfugiés qui devient la première crainte de la population britannique. Tout peut commencer à se fragmenter. »

Pour la députée, réduire les aides sociales est concomitant d’une précarisation de la population et donc d’une plus grande crise économique et de la montée du populisme : « Tout le système social dépend des gens qui travaillent et qui payent leurs taxes. Une population qui ne peut pas payer les allocations entraîne l’arrivée de nouveaux fournisseurs de services comme Uber ou Airbnb. Ils sont en dehors du système de taxation, ce qui augmente la crise. Il est important pour l’Europe de maintenir son système social. (…) C’est dans ces situations que la division sociale s’opère, que l’extrême droite pointe les immigrants, les chômeurs, les handicapés,... comme étant le problème. »

Des traités à modifier

Mettre en place les mesures demandées par le Premier ministre britannique impliquerait une réforme de l’Union européenne et un changement de fond dans les traités qui la composent.

Le processus, très complexe, nécessite un vote à l’unanimité des 28 États-membres. Pour Jude Kirton-Darling, les requêtes de Cameron représentent un retour en arrière de l’intégration européenne. Pour elle, il est inconcevable que l’Union européenne accepte de renégocier ce qui constitue sa base fondatrice : « Ce que les eurosceptiques proposent est insultant pour l’Union européenne. Ils veulent divorcer, sortir de la relation contractuelle avec l’UE mais continuer à faire du commerce sur les mêmes termes. »

Des gains à nuancer

Selon la députée travailliste, le Royaume-Uni retirerait des avantages d'une sortie sur le court terme et pourrait faire des économies, notamment en réduisant les sommes versées en tant qu’aides sociales. Sur le long terme en revanche, le pays a beaucoup plus à perdre : « Le Royaume-Uni perdrait son influence mondiale et redeviendrait une petite île au milieu de l’Atlantique. (…) On perdrait énormément au niveau économique, l’Union Européenne représente une grande part de nos exportations. On est aussi un grand fournisseur de services. (…) On a un gouvernement ultralibéral. La plus grande perte serait au niveau des droits sociaux. Tout ce qu’on a acquis, c’est grâce à l’Union européenne. »

Une situation qui ne rendrait pas toute sa souveraineté à l’île britannique : « Les partisans de la sortie de l’UE, les eurosceptiques, voudraient que le Royaume-Uni soit membre de l’EFTA (European free trade association ou Organisation de libre échange européenne, NDLR) comme la Norvège, la Suisse, le Lichtenstein et l’Islande. C’est la pire des solutions. Le Royaume-Uni a quitté l’EFTA dans les années 1970 pour entrer dans la CEE. Revenir à ce statut signifierait ne plus avoir de voix dans les réglementations mais être obligé d’appliquer les décisions prises par l’Union européenne. »