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Chasseurs ardennais
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Immersion au sein du bataillon de Chasseurs ardennais

Durant quatre jours, le bataillon de Chasseurs ardennais a effectué des manœuvres de grandes ampleurs dans le cadre de l'exercice Fort Avent'Hure. Une opération destinée à maintenir le niveau d'entraînement des militaires mais aussi une occasion pour nous de tester nos compétences en tant que reporters de guerre.

par Caroline BEAUVOIS et Nicolas GUSTIN

Une unité d'élite de l'infanterie belge

Créés officiellement au début des années 30, les régiments de Chasseurs ardennais avaient initialement pour rôle stratégique de défendre les frontières ardennaises. Aujourd'hui, cette unité d'infanterie est considérée comme une unité d'élite de l'armée belge. Ces dernières décennies, les Chasseurs ardennais ont participé à différentes opérations de maintien de la paix dans différentes zones de conflits (Croatie, Bosnie, Kosovo, Afghanistan, Liban, Mali) pour l’ONU, l’OTAN et l’Union européenne.

Cette année, suite au plan d’action antiterroriste du gouvernement, 150 militaires du bataillon de Chasseurs ardennais ont été déployés à Bruxelles. Leur mission a été de soutenir les forces de police et d’assurer la surveillance de sites qui pourraient être ciblées par des attaques. Cela faisait plus d’une trentaine d’années, depuis les attentats commis par les CCC (Cellules combattantes communistes), qu’il n’y avait pas eu d’intervention militaire sur le sol belge.

Trois jours en tant que journalistes embarqués

Depuis quelques années, le bataillon de Chasseurs ardennais organise des entraînements en milieu civil sur le territoire belge. Sur base d’un scénario fictif, ces exercices visent principalement à maintenir le niveau opérationnel du bataillon. Du 16 au 19 mars, les provinces de Liège et du Luxembourg ont donc été le théâtre de manœuvres ayant pour thème cette année les opérations spéciales. Au programme : préparation aux combats, repérages et infiltrations de zones ennemies, raid sur un relais de transmission, embuscades, fouilles et nettoyages des forts d’Embourg et de Chaudfontaine.

Le lieutenant Naranjo, un leader humain

Enfant, il regardait le défilé du 21-Juillet, admiratif devant les jeunes militaires défilant en tenue de gala. A 16 ans, lors d’une visite à l’Ecole des sous-officiers, son choix était fait ! A 25 ans, c’est du concret pour Arnaud Naranjo, maintenant chef de peloton au bataillon de Chasseurs ardennais

Entré à l’Ecole royale militaire en 2007, Arnaud Naranjo intègre la Faculté des Sciences sociales et militaire et y suit un master en systèmes d’armes et balistique. Il rejoint alors l’Ecole d’infanterie afin d’y apprendre le métier de chef de peloton.

Attiré par l’action et les relations humaines, Arnaud Naranjo est ambitieux et ne le cache pas. Et bien que l’avenir soit quelque peu flou, son objectif principal reste très clair : participer le plus possible à des missions opérationnelles.

Lors de l’exercice Fort Avent’Hure, Arnaud Naranjo s’est livré sur son parcours, son métier et son bataillon.

"Pas trop stressée ?"

Avez-vous déjà marché un raid de plus de dix kilomètres en pleine nuit et sans lampe de poche ? Avez-vous déjà été témoin d’une attaque militaire dans un fort souterrain ? Non ? Après trois jours passés aux côtés du bataillon de Chasseurs ardennais, en pleine manœuvre, je peux répondre que je l’ai fait et non sans fierté.

"Pas trop stressée ?" Ce sont certainement les premiers mots que l’on m’a adressés à mon arrivée à la base, avant de me les répéter plus d'une fois. D’où une crainte montante : devrais-je l’être ? Un petit peu tout de même car accompagner les Chasseurs ardennais dans leur manœuvre, en tant que journaliste embarqué, est loin d’être de tout repos.

Informer sans gêner

Le rôle du journaliste embarqué (ou embedded journalist en anglais) est d’accompagner l’armée dans ses opérations à l’étranger. Un reporter est pris en charge au sein d’une unité militaire afin de couvrir un conflit. Un exercice où discrétion et condition physique vont de pair pour suivre les militaires sans les gêner dans leur travail.

Pour être prête à partir à tout moment, l’armée doit tout d’abord s’entraîner à la base mais aussi sur le terrain grâce à des manœuvres. Chaque année, plusieurs sont organisées en Belgique et dans les pays voisins. Ainsi, du 16 au 19 mars dernier, l’opération Fort Avent’Hure a pris place dans les Ardennes belges (Erezée, Esneux, Chaudfontaine), après des mois de préparations et de négociations avec les autorités locales. Tombée dans le 2e peloton de la seconde compagnie , j’ai pu accompagner 23 jeunes soldats volontaires ainsi que trois sous-officiers, dirigés par le lieutenant Naranjo. Ceux-ci semblaient heureux de mettre en pratique leur entraînement.

Une fille dans un monde d’hommes

Un monde d'hommes, oui, car le bataillon de Chasseurs ardennais comprend très peu de femmes. Hors exercice, j’en ai croisées deux… dans la cantine ! Les équipements, infrastructures et conditions de vie à l’armée expliquent certainement ce manque de pluralisme. La gent féminine et l’armée : un mariage compliqué ? Dans tous les cas, lorsqu’une cabine de toilette chimique en plein bois vous fait souffler de soulagement, c’est qu’on est mal parti !

Un monde d’hommes dans lequel l’humour est toujours présent mais où le sérieux est très vite repris. Un univers où l’exercice physique est crucial mais où les moments de détente sont fortement appréciés, et où la devise « Tu dors dès que tu peux » semble être l’une de celles que j’ai comprise le plus vite.

Chasseurs ardennais

Un monde d’hommes dans lequel, avec mon petit gabarit, on m’a vue arriver avec quelques haussements de sourcils et de grands sourires quelques peu moqueurs, mais où on m’a très vite mise à l’aise, pour finalement me sentir comme au sein d’une grande famille. Une famille de grands gamins aux uniformes toujours contrôlés, casque sur la tête, arme en main et où les bas de pantalons sont bien rentrés dans les bottes, sinon gare aux réprimandes des hauts-gradés. Respect et écoute sont de mise en toutes occasions : impressionnant !

Un monde d’hommes où chacun répond à l’appel de son nom de famille et doit tenir son rôle à la perfection. A chaque arrivée sur un terrain ennemi, le périmètre de sécurité doit être tenu et un plan perfectionné avant l’attaque du lendemain. Des actions qui passeraient presque inaperçues tant tout se fait rapidement et avec efficacité. Mais l’entraînement est à la hauteur et ça se sent !

"Résiste et mords !"

Pendant les raids, au moindre geste de la main, on se tait, s’accroupit ou saute dans les fossés à l’attente des prochains ordres. Pas question de quitter les rangs, un peloton doit agir tel un essaim d’abeilles pour fonctionner. Et s’il faut attendre plusieurs heures avant l’attaque malgré les températures négatives, on le fait sans le moindre grognement. Car oui, l’armée ça enhardit. Et puis on lance l’assaut !

Le troisième jour au matin se déroulait l’attaque du Fort d’Embourg. L’objectif était simple : fouiller et nettoyer le Fort des ennemis. Un exercice souterrain particulier qui avait attiré de nombreux curieux, élèves et journalistes, venus respectivement admirer et couvrir cet exercice militaire grandeur nature. Une médiatisation appréciée par la Défense, mais qui eut pour conséquence de retarder l’attaque, au grand dam des soldats. Militaire : un métier où l’heure, c’est l’heure, après…