Monnaies locales: l'initiative citoyenne Retour au bruxelles bondy blog
Bruxelles Bondy Blog

Monnaies locales: l'initiative citoyenne

5.000 dans le monde, huit en Belgique… Les Monnaies locales complémentaires (MLC) sont l’une des expressions les plus franches de la volonté citoyenne. Le but ? Resserrer la circulation monétaire au niveau régional, et s’assurer de l’avenir du billet encaissé par le vendeur. Mais attention : toute monnaie a un prix.

par Elise Malchair et Nicolas Lowyck

Les MLC en pratique

Certains les qualifient d’ "alternatives", mais les connaisseurs tiennent à faire la différence et préfèrent le terme "complémentaires"

Eric Dewaele, Financité: “Transformer l’euro en une unité de valeur locale”



Mohssin Elghabri, Etopia (Ecolo): “Des monnaies de complément”



Le concept n’a rien de nouveau. Créer une monnaie, peu importe l’étendue d’utilisation qu’on espère atteindre, cela date de 5.000 ans avant J-C. Depuis, certaines servent à conquérir un marché économique, d’autres à exprimer un mécontentement. Selon Financité, la volonté de réguler une monnaie par une autre est un recours systématique en temps de crise, quand la confiance entre utilisateurs et monnaie principale est rompue.

En Belgique, la première MLC, le ropi, date de 2010 et est utilisée à Mons. Cinq ans plus tard, en Wallonie, quatre sont en utilisation et quatre autres sont en projet. Leur mise en circulation recentre l’économie au niveau du quartier, favorise le lien social et porte des promesses d’avenir, comme la création d’emplois. Encore faut-il que l’initiative, coûteuse, réussisse.

Comprendre la différence entre l’Euro et une MLC


Lancez le diaporama et attendez son chargement. Pour naviguer, cliquez sur les flèches en bas de l'animation.


Pour saisir la logique avec laquelle une MLC a été pensée, il est important de savoir qui en a fait la demande.

Certaines sont directement créées par un collectif citoyen désireux de passer à l’acte. Elles sont les plus nombreuses. Comme l’explique Finance Watch: "Recourir aux monnaies alternatives est une façon de se rebeller contre le système. Les anti-fédéralistes américains utilisent les Bitcoins pour dénoncer la politique de la Fed ; les monnaies locales expriment une protestation contre la politique d’austérité européenne. Il y a quelque chose de subversif dans le fait de se détourner des monnaies officielles."

D’autres MLC sont issues de volontés politiques. Mohssin Elghabri d’Etopia, le think tank d’Ecolo, nous explique la différence.

Mohssin Elgabri, Ecolo: "Les initiatives les plus réussies sont celles des citoyens"

Eco Iris: l'échec bruxellois

A Bruxelles, la seule initiative concrète d’une MLC vient de la plume de Bruxelles-Environnement.


L’Eco Iris est une monnaie de type top-down. C’est un moyen pour la région bruxelloise d’encourager les gestes citoyens. Pour en obtenir et pouvoir en dépenser dans les magasins partenaires, il faut acheter bio, faire du bénévolat dans son quartier, installer un stop-douche pour diminuer sa consommation d’eau, refuser la publicité dans sa boîte-aux-lettres, … Vous serez dans chacun de ces cas payé en Eco Iris, 10 Eco Iris valant 1 euro d’achat.

Lancée en novembre 2012 dans les quartiers de Forest, Schaerbeek, Saint-Gilles, Watermael-Boitsfort et Molenbeek, l’Eco Iris est – pour l’instant du moins – un flop avoué à demi-mots par la députée Ecolo Evelyne Huytebroeck. Alors que la mise en place de la monnaie a coûté 400.000 euros, seuls 80.000 Eco Iris, c’est à dire 8.000 euros, sont actuellement en circulation.

Eco Iris, l'opinion des commerçants de Saint-Gilles

L’Eco Iris est-elle un coup raté ? "Difficile à dire : il faut voir si on continuera à l’utiliser sur le long terme. C’est le problème des monnaies locales : elles sont difficilement pérennes", explique Bruno Colmant, économiste belge. "Le grand avantage d’une MLC reste de favoriser l’économie au niveau de la région. Mais surtout, l’intention peut être de concurrencer un monopole d’Etat."

Seul un client a payé en Eco Iris

Nicolas Lowyck

France Verrier, gérante de la librairie Les Yeux Gourmands, n’a pas pu se forger son opinion sur l’Eco Iris : ses clients ne l’utilisent tout simplement pas.
Elle hésite à sortir du pacte.

J’ai à peine 12 euros d’Eco Iris dans ma caisse

Nicolas Lowyck

"Il y a des endroits où les monnaies locales tournent très bien, partout dans le monde. Ici, ce n’est pas le cas car l’idée est purement institutionnelle." Didier Beaufort salue l’initiative mais constate l’échec. Ses seuls clients à avoir payé via cette méthode font partie des créateurs de l’Eco Iris !

Ça a marché, mais seulement pendant un temps

Nicolas Lowyck

Angela sert au Manuka, petite épicerie bio du coin. Elle a constaté le manque de ferveur citoyenne derrière l’Eco Iris "parce que la circulation ne s’effectue pas correctement" : peu de gens s’engagent dans le but d’en obtenir.

MLC: une concurrence à l'euro?

Si le lancement d'Eco Iris semble mal parti, ce n'est pas le cas d'autres Monnaies locales complémentaires. Comment l'Europe aborde-t-elle cet assaut de créativité?

Certaines rencontrent un grand succès comme le Chiemgauer en Allemagne, pays pionnier en la matière. Pourtant, du côté des gouvernements comme du Parlement européen, l'heure n'est pas à la favorisation de ce genre d'initiatives. Eric Dewaele de Financité salue la bravoure de quelques courageux dans l'hémicycle.

Eric Dewaele: “On est loin d'une décision stratégique”



Chez Etopia, centre d'animation et de recherche en écologie politique, on explique un telle frilosité par la peur de voir la sacrosainte Zone euro ébranlée par trop d'initiatives audacieuses. Pourtant, Mohssin Elghabri tient à temporiser : la création d'une monnaie complémentaire n'exprime pas forcément la manifestation d'une europhobie, ni la volonté de retourner à un système monétaire national.

Mosshin Elghabri (Etopia): “Les pouvoirs publics doivent être des facilitateurs”



M. Elghabri pointe encore le caractère à contre-courant qu'une MLC représente : en prenant les choses en main, le collectif citoyen déstabilise le monopole de la création monétaire qui était jusqu'à présent dans les mains de l'Etat et des banques.

Mohssin Elghabri: "Pourquoi pas une myriade de monnaies ?"