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Charlie et les médias: le début de la psychose

Du 7 au 9 janvier 2015, la France tremblait sous les balles des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, responsables des attentats les plus meurtriers perpétrés en France depuis 1961. De la rédaction de Charlie Hebdo à la superette casher Porte de Vincennes en passant par le quartier de Montrouge et l’imprimerie de Dammartin-En-Goële, dix-sept personnes ont perdu la vie. Comment gérer la crise sur les plans médiatique et psychologique ?

par Guillaume ALVAREZ - Maxime DEFAYS - Pierre GALHAUT

Flash-back: dans la foulée des attentats

Pendant trois jours, le monde entier a suivi les affrontements entre terroristes et forces de l’ordre, au rythme d’une course-poursuite couverte en temps réel par les médias.

Un déroulement à revivre ci-dessous, depuis la matinée tragique du 7 janvier jusqu’à l’issue sanglante de Seine-et-Marne. Une vague de terreur qui, une semaine plus tard, trouvait son écho en Belgique où la brigade criminelle a démantelé une cellule terroriste implantée à Verviers, et dont l’intention était de commettre des attentats sur le sol belge.

Source : Timeline JS

Médias: analyse d'une position délicate

L’onde de choc de cette deuxième semaine de janvier fut planétaire. Dans un contexte idéologique déjà fortement ébranlé par la montée en puissance des stigmatisations, diabolisées par des groupes extrémistes comme Daesh et Boko Haram, et la résurgence de l’antisémitisme, le monde a soudain vu ressurgir les spectres des attentats meurtriers du début du siècle.

Près de 15 ans après la chute des Twin Towers de New-York, les médias français ont été jusqu’à nommer la tuerie de Charlie comme le « 11 septembre » de la presse, comme pour mieux symboliser l’impact provoqué par de tels actes. Ces mêmes médias qui, des jours durant, ont couvert sans relâche les événements avant de passer le relais aux réseaux sociaux avec le slogan, désormais célèbre, « Je Suis Charlie ».

En Belgique, l’importante opération antiterroriste et ses perquisitions ayant mené à la tuerie de Verviers ont convaincu le gouvernement de rehausser l’état d’alerte au niveau national. Une décision suivie du déploiement de forces armées dans les rues de Bruxelles et, dans le même temps, de l’augmentation d’alertes à la bombe, comme pour mieux participer à un climat de psychose de plus en plus pesant.

Dans le cas de la presse belge, la couverture médiatique a été très importante, tant pour les événements de Paris et ses conséquences que pour les faits d’actualité qui, depuis, y sont liés de près ou de loin (alertes à la bombe, discriminations, décapitations au nom d’Allah etc.). Un dilemme de taille survient d’ailleurs parfois au sein des rédactions : doit-on tout montrer ou pas ? Peut-on se permettre de censurer une info pour éviter toute apologie non-intentionnelle d’idéaux ou de pratiques extrémistes ? Des questions idéologiques que tout journaliste connaît bien et auxquelles nous avons tenté de trouver réponse dans le reportage qui suit.

Les médias ont une double responsabilité: d'une part, propager une angoisse et d'autre part, participer à la propagande des terroristes

Dorian DE MEEUS, rédacteur en chef de La Libre.be

Affect psychologique : une trace indélébile

Au-delà du bilan tragique des événements, les tueries de Paris ont profondément ému et révolté la planète entière, déclenchant l’un des plus grands mouvements de solidarité jamais vu en France depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Au vu de telles manifestations, nous nous sommes intéressés à l’impact psychologique qu’ont bien pu avoir les attentats et les événements post-Charlie pour provoquer tant d’émotion à une échelle aussi large. Pour ce faire, nous avons posé trois questions à Etienne Vermeiren, psychologue au sein des Instituts Universitaires de Saint-Luc/UCL et spécialiste des troubles dits traumatogènes.

La starification des victimes pose problème, mais il y a un phénomène que je trouve d'autant plus inquiétant: la starification des auteurs...

"Nous sommes tous Charlie", mais...

La psychose post-Charlie s’est faite très ressentir, principalement au sein du monde occidental. L’onde de choc propagée après les attaques a marqué bon nombre de personnes, dans un embrasement médiatique qu’on n’avait plus connu depuis le 11 septembre. On peut même parler d'un engouement inédit du point du vue des réseaux sociaux.

Néanmoins, les médias, quels qu’ils soient, ne sont pas systématiquement les responsables de cette « propagation » de la psychose. Pour ces « relais », l’intérêt public et le devoir d'informer priment. On peut discuter sur la forme et le ton employés par les producteurs d’informations. Mais il est important de préciser que ceux-ci n’ont pas accéléré la psychose et les amalgames. La responsabilité est ailleurs. Se sentir rassuré à la vue de militaires en rue, ou au contraire, si ceux-ci accentuent cette ambiance d’insécurité, est quelque chose de personnel. Chacun aura sa propre sensibilité, sa propre réaction. C’est évident, il y a et il y aura un après Charlie.

unes de presse Charlie






Images: Pierre GALHAUT