Zaineb a neuf ans et vit avec sa mère et son petit frère à Tunis. Son père est décédé dans un accident de voiture. Sa mère, elle, s’apprête à refaire sa vie avec un homme qui réside au Canada. Toute la famille va donc emménager dans le Grand Nord. Au rythme des hivers interminables, nous voyons cette famille se recomposer et se décomposer.
Ce qui frappe d’abord, c’est le ton : l’image est franche, la parole libre. Ce n’est pas un film, c’est un portrait de vies sur cinq ans, condensé en deux heures. Des vies parallèles qui s’entrecroisent, des êtres dont les destinées vont se retrouver liées. Mais c’est avant tout un portait de femmes. Les hommes y sont presque absents. Entre mère et amante, entre femme libérée et conservatrice, entre fille et femme, entre sœur et amie, chacune va évoluer et essayer de trouver sa place et son équilibre, parfois fragile.
À travers mes yeux d’enfants
Les personnages principaux du film sont Zaineb et sa nouvelle demi-sœur. À travers le regard franc de ces deux petites filles, on aborde la religion et la culture. Une sœur est musulmane, l’autre catholique. « Tu vas aller en enfer si tu n’es pas musulmane », lance l’une d’elle. Cette vision enfantine de la religion ne manque pas d’interpeller.
Il est aussi question d’adaptation à un environnement culturel jusqu’alors inconnu. Des gosses qui passent du soleil brulant de Tunis aux monticules de neige du Canada et qui découvrent Noël. Ces entretiens à huis-clos entre deux gamines sont de loin la partie la plus intéressante du film. Ces parcours de vie, où on voit ces soeurs grandir et se construire, ne manqueront pas de toucher le spectateur. Mais un spectateur averti. Parce que, disons-le, il n’est pas question ici d’un film à proprement parlé mais plutôt d’un documentaire. C’est cette réalité qui a déjà touché le public lors du dernier Festival de Locarno.