Hall de l'hôtel Mozart
25
Mar
2015

Portraits croisés de "Ben" le philanthrope et de Saadia qu’il accueille à l'Hôtel Mozart, à Bruxelles.

Ben : "Ce que je donne, ça vient de ma poche et ça n’a rien d’illégal. Quand j’offre une chambre pour la nuit, c’est moi qui perds de l’argent, mais l’argent, c’est quoi ? » - Photo : Morena Piazza

Reviens quand tu veux

Ben est propriétaire de l’hôtel Mozart dans le centre de Bruxelles. Saadia est récemment arrivée en Belgique pour bénéficier de soins qu’elle ne peut avoir au Maroc. Portrait de deux vies qui se mélangent.

Ahmed « Ben » Abderahmana est un marocain originaire de la région du Rif. Après avoir déménagé pour Tanger, il s’installe en Belgique au début des années 90 et achète un bâtiment à deux pas de la Grand Place. Il se rend alors compte que beaucoup de personnes sont en difficulté à Bruxelles, que ce soit des SDF ou simplement des familles venant d’ailleurs. Guidé par l’islam, il veut faire le bien autour de lui, et décide alors d’aider ces personnes. « Être bon, ça rapporte. Et si tu lis le Coran, tu comprendras ce que je te dis. »

En 1994, il décide de transformer son bâtiment en hôtel. Il entame alors des travaux, trouve le concept adapté à son hôtel qu’il baptise « Hôtel Mozart », crée lui même le design et le style. Il engage son personnel méticuleusement, donnant du travail à ceux qui sont dans le besoin. Son équipe est aujourd’hui presque exclusivement constituée de marocains, comme son fidèle réceptionniste qui travaille pour lui depuis plus de vingt ans.

Lorsque l’on passe les portes de l’hôtel, on découvre le style surchargé et travaillé qui y règne. Le lieu, calme et intimiste, constitue un vrai étalage de la culture marocaine. Dans le hall, des clients des quatre coins du monde s’enregistrent à l’accueil. « Monsieur Ben » arrive, le sourire aux lèvres.

La bonté de l’islam

«L’islam nous dit et nous pousse à faire du bien autour de nous, et c’est en fait la base de toutes les religions. Ça me rend heureux de faire ce que je fais. Quand un SDF est venu prendre une douche et que plus tard, je le vois à l’accueil, à côté d’un touriste qui a payé sa chambre, je ne vois plus de différence. Nous sommes tous égaux. La seule différence, c’est que ce SDF, une simple douche le rend heureux. »

Un homme est assis dans un fauteuil à la décoration orientale.

Ahmed « Ben » Abderhamana dans son établissement : l’Hôtel Mozart. Photo : Morena Piazza

Ben reste discret. Il sait que quiconque dans le besoin entendra parler de lui et passera les portes de l’hôtel pour lui demander de l’aide. Élu « Bruxellois de l’année » en 2009, il a fait face à de nombreuses critiques. « Je n’ai rien à cacher. Ce que je donne, ça vient de ma poche et ça n’a rien d’illégal. Quand j’offre une chambre pour la nuit, c’est moi qui perds de l’argent, mais l’argent, c’est quoi ? »

« Elle dormait dans une cave »

Ben a bien d’autres histoires. Comme celle où il a hébergé une famille juive pendant quelques semaines, ou celle d’un jeune africain venu à lui pour lui demander du travail. Actuellement, une femme du nom de Saadia vit chez lui, et ce, depuis cinq mois. « Ses reins ne fonctionnent plus. Elle est arrivée en Belgique il y a quatre ans pour recevoir des soins. Elle a débarqué dans une famille qui l’a en quelque sorte exploitée. Elle dormait dans une cave et passait ses journées à s’occuper des enfants. Elle n’a presque jamais mis les pieds dehors. »

Pendant ses quatre premières années à Bruxelles, Sadiaa était en effet mal nourrie par la famille qui l’accueillait. Lors d’une de ses dialyses, l’hôpital a remarqué son état de santé et l’a reporté aux organismes concernés. Il se trouve qu’une personne y travaillant connaissait Ben et les a donc mis en contact. Il n’a alors pas hésité et a recueilli Saadia chez lui.

Depuis, Saadia occupe l’ancienne chambre de la fille de Monsieur Ben. Dans son appartement aux murs orange et jaune recouverts de grands tableaux aux cadres d’or, Ben et Sadiaa ont acquis certaines habitudes. « C’est une maman. Elle fait le ménage, elle prend soin de la maison. Elle est bien ici, bien mieux. »

Une femme avec un voile regarde dehors, l'air pensif.

Dans le bus, Saadia semble pensive après avoir parlé de sa famille restée au Maroc. Photo : Morena Piazza

Des dialyses, trois fois par semaine

Ben est actuellement en train de faire des démarches pour permettre à sa colocataire de rester légalement en Belgique. Saadia étant en insuffisance rénale, son retour au Maroc pourrait lui être fatal.

Elle sourit. « Il est très gentil. » Elle parle ensuite de sa famille. Son mari est actuellement à Tétouan. Ses deux enfants, âgés de 23 et 26 ans, sont partis faire leurs études à Marrakech et Agadir. Ça fait quatre ans qu’elle ne les a pas vus.
Sadiaa doit se rendre à l’hôpital trois fois par semaine. Une dialyse dure quatre heures. Le trajet jusqu’à Brugmann est très long et elle le fait généralement seule. Mais elle garde le sourire.

Saadia est un exemple d’adversité. Elle a sacrifié sa vie de famille et ses racines pour pouvoir se soigner. De son côté, Ben est un exemple de bonté. Malgré ses idées tranchées et traditionnelles, il ne cesse de partager son quotidien avec les gens qui le souhaitent, car « vivre dans l’excès n’apporte rien. »

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