Avec la crise grecque, le peu d’empathie montrée vis-à-vis des Méditerranéens de la part des politiciens ainsi que de la population allemande, a fait resurgir la vision d’une Allemagne sévère, inflexible et égoïste. Cette image semblait se noircir davantage quand de nombreuses attaques contre les maisons d’accueil pour réfugiés ont fait la Une des journaux en Allemagne. Mais la situation s’est renversée et une « Willkommenskultur », littéralement « culture de la bienvenue », a progressivement émergé à l’égard des réfugiés en Allemagne. Comment ce mouvement s’est-il créé ? Où trouve-t-il son origine ? Qu’est-ce qui a soudainement poussé les Allemands à accueillir les réfugiés à la gare de Munich avec des applaudissements, des cadeaux et des pancartes « Refugees welcome » ?
Augmentation de 70% des bénévoles en trois ans
Selon, le sociologue Friedrich Heckmann, la « Willkommenskultur », cette position d’ouverture et d’acceptation envers les migrants cherche à abattre les barrières à l’intégration et à favoriser l’inclusion sociale. Un pensionné qui donne des cours de rattrapage à un enfant immigré en est un exemple.
Il faut distinguer deux périodes dans l’émergence de ce mouvement. Les Allemands ne se sont pas soudainement mis à aider les nouveaux arrivants cet été. En effet, une étude de l’Institut berlinois pour la recherche sur l’immigration et les réfugiés (BIM), publiée en décembre 2014, montre une augmentation de plus de 70% de bénévoles pour l’aide aux réfugiés depuis 2011. L’étude souligne également que 40% des bénévoles agissent de manière spontanée et en autogestion, hors des circuits associatifs traditionnels. Près de la moitié des interrogés (48%) indiquent que ce sont surtout les médias qui les ont poussés à agir. Et 74% des interrogés expliquent qu’une motivation importante est l’envie de participer à la construction de la société.
Les villes invitent les citoyens à participer
D’après l’étude, l’augmentation du nombre de volontaires est aussi due aux initiatives de plusieurs villes et communes d’Allemagne pour sensibiliser la population à l’arrivée de réfugiés. Depuis deux ans déjà, la ville de Mainz invite ses citoyens à des sessions d’informations et à visiter les maisons d’accueil pour réfugiés avant que ces derniers n’arrivent. Ces actions ont suscité chez les citoyens une réaction positive, se demandant : « Et nous ? Comment pouvons-nous aider alors ? »
La masse silencieuse se réapproprie le discours sur ce qu’est l’Allemagne
Une augmentation significative des manifestations de soutien aux réfugiés a pu aussi être constatée cet été : les marches de solidarité, l’accueil des réfugiés dans les gares, les dons de nourritures et de vêtements et les fêtes de bienvenue. Il n’existe pas encore d’études, ni de statistiques sur le nombre de bénévoles actifs cet été. Pour Andreas Hövermann, chercheur à l’Institut de recherche sur les conflits et la violence de l’université de Bielefeld en Allemagne, cette vague d’enthousiasme pour l’accueil des réfugiés a démarré au mois de janvier et s’est peu à peu intensifiée pour arriver à son paroxysme pendant les mois d’août et de septembre.
Plusieurs événements ont contribué à lui donner son ampleur :
Andreas Hövermann explique que si tant de personnes se sont lancées dans le bénévolat et ont voulu offrir un bel accueil aux réfugiés, c’est d’abord parce qu’ils ressentaient le besoin crucial, la nécessité de donner une autre image, une autre définition de l’Allemagne. Le présentateur du « Heute show », une émission de satire politique allemande, le résume ainsi : « Si vous aussi vous voulez aider, vous pouvez faire une donation à ce numéro, chaque euro aide un réfugié, et en bonus, embête un extrême droite ! »