« Les Zèbres, c’est blanc, c’est noir. C’est toi, c’est moi »

par Lucie Delplanque, Lisa Michaux, Morgan Dubuisson, Anabel Mier Garcia

« Les Zèbres, c’est blanc, c’est noir. C’est toi, c’est moi »

« Les Zèbres, c’est blanc, c’est noir. C’est toi, c’est moi »

Lucie Delplanque, Lisa Michaux, Morgan Dubuisson, Anabel Mier Garcia
À Charleroi, tout change... même les supporters.

En arrivant à Charleroi, nous nous sommes rendu compte d’une chose. Les avis sur la ville divergent depuis toujours, autant pour les personnes extérieures à Charleroi que pour ses habitants. Certains la trouvent sale, pauvre, tandis que d’autres la trouvent merveilleuse et chargée d’histoire. Lorsque nous avons demandé aux Carolos ce qu’ils pensaient de leur ville, les débats se sont lancés.

Nous avons fait pourtant un constat étonnant. Les habitants sont tous fiers de leur équipe de foot : le Sporting de Charleroi. Depuis toujours, les Carolos sont derrière cette équipe. D’autant plus que depuis quelques années, le niveau est monté, un nouveau stade plus grand est apparu et de nouvelles façons de supporter ont vu le jour.

Nous nous sommes rendus dans plusieurs cafés de Charleroi, endroits emblématiques où tout le monde parle football. Dans notre périple, nous avons rencontré des personnages hauts en couleur et chargés d’histoire. Ils s’appellent Nordine, Giovanni ou encore Solange et sont tous habités, à leur façon, d’une passion pour le Sporting de Charleroi.

Du Royal Nord au café de l'UT
Les façades des deux cafés sont très différentes, tout comme les ambiances qui y règnent.

À Charleroi, plusieurs cafés sont directement reliés au Sporting. Soit parce qu’ils accueillent les clubs de supporters, soit parce qu’ils sont aux couleurs du club ou encore parce qu’ils ont une histoire intrinsèquement liée au Sporting. Ce sont cependant deux manières de supporter que nous avons découvertes : si les uns sont « supporters dans le cœur », d’autres le montrent plus facilement…

Dans le premier « cercle de sécurité » autour du stade, nous avons poussé la porte du Royal Nord. Lors des soirs de matchs, ce café est à la limite de la zone piétonne. C’est un café que tout le monde connait et où tout le monde se connait. Quand nous sommes entrés pour la première fois au Royal Nord, il était 14h et il y avait déjà du monde. Là, tous parlaient football. Et c’est presque une famille que nous avons rencontrée.

C’est un endroit très typique, un vieux café comme ils disent. Au mur, on retrouve quelques symboles liés aux Zèbres, mais tout est très discret. « Quand nous étions plus jeunes, c’est ici qu’on venait chercher les billets pour assister au match, explique Nordine, accoudé au bar. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas… mais ici, au moins, la bière est bonne, les gens sont sympas. C’est presque le bureau ici. »

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Dans ce café, une multitude de personnages se rencontrent. Ils sont médecins, avocats, chômeurs, syndicalistes, croque-morts. La classe sociale importe peu et « c’est le football qui rassemble tout le monde, on ne fait pas de différences. Quand on parle du foot, on est tous les mêmes. »

Complètement zébré

Après avoir longuement discuté, nous marchons quelques mètres et nous entrons dans le second « cercle de sécurité » autour du stade pour découvrir le café de l’Université. Là, c’est une nouvelle façon de supporter que nous avons découverte. La façade est zébrée et en poussant la porte, c’est tout un univers que nous avons trouvé. Les murs sont peints en noir et blanc, les visages des joueurs sont dessinés sur les murs, les étagères sont remplies d’objets de collection. Tout rappelle les Zèbres. Le café est moins rempli. Il accueille surtout du monde les soirs de match et c’est pour cette raison qu’ils ont installé un écran géant.

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Boule et Bill avec le maillot carolo, un mélange entre la culture du foot et de la BD

Durant notre reportage, nous avons rencontré des personnalités attachantes. Pour parler d’elles et raconter leurs histoires, il aurait presque fallu un reportage complet sur chacun. Découvrez avec nous trois Carolos hors du commun, qui nous ont fait découvrir les Zèbres et Charleroi.

Nordine, un Zèbre fidèle

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Nordine est marocain d’origine et carolo d’adoption. À 54 ans, il a vu la ville changer. Fervent amateur de football, il est habitué à fréquenter les bars de supporters et notamment le Royal Nord.

Nordine a une image très positive du football et de ses bienfaits pour la ville. Selon lui, « le foot unit les gens et aujourd’hui, surtout à Charleroi, je pense qu’il n’y a que le foot qui puisse le faire. On parle de Charleroi pour le racisme et les vols mais aussi pour le foot. C’est un sport qui est populaire partout mais sans lui, à Charleroi, ça serait le Bronx. »

Nordine le décrit comme une activité conviviale mais pas que. Pour lui, le Sporting apporte de l’espoir aux jeunes, en plus d’être simplement un sport. « Ils rêvent de devenir des grands joueurs, de gagner de l’argent et d’avoir un certain confort, un certain bien-être. » 

Pour lui, il y a des traditions liées au foot à Charleroi : se retrouver dans les cafés et aller au stade ensemble. Il trouve toutefois que l’ambiance générale est différente et met en cause l’aspect commercial du club. Le Carolo a remarqué des changements dans la ville comme dans la gestion du stade et justifie son avis par le prix excessif des tickets. « Maintenant, le foot coûte trop cher. »

Solange et sa « double casquette »

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Solange est comédienne et est rentrée dans le Royal Nord pour se lancer un défi : elle voulait voir l’accueil qui lui serait réservé. Elle supporte également l’équipe des Zèbres. « Moi tu vois, j’ai une devise : le double chapeau. Je suis fière de ma double identité. Je suis Africaine mais aussi Belge. Je suis déjà passée de nombreuses fois devant le Royal Nord mais je n’étais jamais entrée. Je ne viens pas souvent dans ce genre d’endroit à cause de l’accueil. Souvent, on me demande de partir. »

Elle n’est pas une vraie adepte du foot mais reste une fervente supportrice du Sporting. Ce club a, pour elle, une signification particulière. « Moi j’aime toute l’équipe, je n’ai pas de joueur particulier. Et tu sais pourquoi je les aime ? Parce que les Zèbres, c’est noir, c’est blanc. C’est toi, c’est moi. Encore une fois, la double casquette. Et puis quoi de mieux pour s’intégrer dans la culture carolo que le foot ? C’est une part très importante de ce que « carolo » veut dire. Et ça, moi, je suis fière de le montrer. »

Giovanni, le professionnel du comptoir

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Giovanni suit le Sporting depuis son enfance. Plus qu’une passion, c’est même devenu son travail : il gère le Café de l’Université où l’on peut retrouver toutes sortes d’objets reliés au Sporting. La façade, les murs et même les toilettes portent la toison des Zèbres. « Ça fait plus de 40 ans que je les supporte. Et je voulais ouvrir un bar. Du coup, j’ai trouvé ce bar. Il a fallu tout rénover et les décorations sont venues petit à petit. Parfois, c’est l’équipe elle-même qui vient en déposer, parfois, ce sont les supporters. Pour les murs et la façade, ça a pris des mois parce que tout a été fait à la main. »

Il a installé dans l’arrière-salle un projecteur qui permet aux supporters d’apprécier confortablement les matchs. Même si ceux-ci aiment quand même être proches du comptoir pour toujours avoir accès à la bière qui, ces soirées-là, coule à flots. « Ici, lors des matchs à domicile, ce sont surtout les interdits de stade qui viennent. Ils ne posent jamais de problèmes. Mais quand c’est contre le Standard… évitez de venir en rouge. »

Le Stade du Pays de Charleroi a une capacité d'environ 15 000 places.

Après avoir rencontré ces quelques supporters, nous avons décidé de nous tourner vers un professionnel. Et pas n’importe lequel… Cédric Loriaux est journaliste pour Vivacité. Il est carolo et le sport, c’est son truc. Il a commencé sa carrière en tant que journaliste sportif au cœur de Charleroi. Il est lui-même supporter du Sporting. Avec beaucoup de fierté et d’amour pour sa ville, il a répondu à quelques-unes de nos questions.

Pour Cédric Loriaux, Charleroi, c’est un peu comme le Nord des Ch’tis. « On pleure deux fois quand on vient à Charleroi : quand on arrive et quand on repart. » Et d’ajouter : « Charleroi, moi j’y crois. »

Du changement au stade comme dans la ville
Le Stade du Mambourg a officiellement changé de nom le 24 mai 1999 pour devenir le Stade du Pays de Charleroi.

Une autre personnalité que nous tenions à rencontrer est Pierre-Yves Hendrickx. Il connait l’histoire du Sporting comme sa poche. Le stade est l’endroit où il travaille et surtout qu’il aime. Il revient avec nous sur l’évolution du club et l’évolution des façons de supporter.

Pierre-Yves Hendrickx remplit plusieurs fonctions au Stade du Pays de Charleroi. Il est, entre autres, directeur administratif, organisateur des matchs et administrateur du club. Il a lui aussi constaté des changements dans la manière de supporter les Zèbres.

Depuis les années 2000, Pierre-Yves Hendrickx a observé une désertion du stade. Selon lui, il y avait avant plus d’abonnés, ce qui permettait une certaine fidélité. Maintenant, ce n’est plus le cas : les supporters sont plus sélectifs et ne viennent que pour les matchs qui les intéressent vraiment.

Une mauvaise gestion du club

Pour lui, une génération de supporters potentiels a été perdue et la faute revient à une mauvaise gestion de leur part. Plusieurs causes sont à l’origine du phénomène. Le stade n’a pas été rénové pour servir les intérêts du Sporting de Charleroi, mais pour répondre aux besoins de l’Euro 2000. C’était donc 30.000 places qui étaient nécessaires et aujourd’hui, lors des rencontres, beaucoup de ces sièges restent vacants. Pierre-Yves Hendrickx en déplore les conséquences : une atmosphère moins conviviale, moins familiale et plus impersonnelle.

Depuis 2012, le système administratif du stade a changé sa politique pour être plus en accord avec les besoins du public. De 4 000 supporters réguliers, à ce moment-là, ils sont aujourd’hui en moyenne dans les alentours de 8 000. L’augmentation s’explique notamment par une communication plus ouverte du club. Un plan qui s’est construit autour d’une méthodologie commerciale plus transparente et une attention toute particulière portée sur la création de liens avec les supporters.

Une stratégie qui ne suffit cependant pas, selon Pierre-Yves Hendrickx, à garantir un avenir financier stable. Les efforts doivent être poursuivis, d’une part par une continuité dans les résultats de l’équipe, mais aussi à travers l’organisation d’événements footballistiques tels que la Coupe d’Europe. « Dans les trois ans, ici, le stade va poursuivre sa modernisation en harmonie avec les changements dans la ville », détaille-t-il. Une modernisation qui va se concrétiser par le biais de projets architecturaux, avec pour but de recréer des espaces plus conviviaux pour les spectateurs. Ils espèrent ainsi reconquérir le cœur des Carolos.

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