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06
Oct
2016

Ou le film que je vais spoiler (un peu), sans honte aucune, parce qu’il y a peu de chance que vous le voyiez un jour en salle.

Extrait de la scène finale du film "Illégitime".

Critique : « Illégitime », c’était pourtant bien parti…

Voici un film que j’avais placé dans le peloton de tête des long-métrages à ne pas rater pendant ce FIFF, en raison de ses thèmes complexes et forts : l’inceste et l’avortement. Sachant que les films dramatiques un peu délicats sont mes sujets de prédilection, mes attentes étaient grandes. Illegitime (Ilegitim en roumain) est donc le quatrième long-métrage du réalisateur roumain Adrian Sitaru et a déjà reçu le Prix CICAE lors de la 66ème Berlinale.

Le cinéma roumain est chaque année solidement représenté au FIFF ainsi que dans nombre de festivals à travers le monde. Une valeur sûre caractérisée par une indépendance, des budgets réduits et une grande authenticité. En témoignent les trois films roumains récompensés par un Bayard d’Or ces 10 dernières années à Namur : Mardi après Noël de Radu Muntean (2010), Everybody in Our Family de Radu Jude (2012) et Child’s Pose de Calin Peter Netzer (2013). À toutes ces informations s’ajoute une dernière qui n’est pas des moindres. Étant partie en Erasmus à Cluj-Napoca en Roumanie, le mot « réalisation roumaine » avait déclenché en moi une sorte de frénésie incontrôlable. Bref, les raisons pour aller voir ce film étaient nombreuses.

Un synopsis de bonne augure

Illégitime c’est tout d’abord l’histoire d’un lourd secret révélé lors d’un repas de famille. Le passé polémique de Victor, le père, ressurgit. Gynécologue de profession, dans les années 80, il aurait dénoncé aux autorités communistes des femmes désirant se faire avorter. Ses quatre enfants, stupéfaits et choqués qu’on leur ait caché un fait si grave, l’assomment d’une pluie dense de reproches. Une bagarre éclate entre Victor et Cosma, l’aîné de la fratrie. Julie, sa cadette, ne désirant pas prendre parti, joue la Suisse, alors que les jumeaux, Sasha et Romi font front avec force. C’est presque sans transition que l’on passe d’un esclandre à un autre. La relation entre les jumeaux est certes fusionnelle mais surtout incestueuse. On découvre par la suite que Sasha est enceinte de Romi. S’il se dit prêt à accepter son rôle de père envers et contre tout, elle, ne peut se résoudre à céder à cet amour impossible. Prenant peur pour l’enfant à naître, elle désire avorter. Les débats familiaux du début du film autour de l’avortement prennent un sens encore plus large et puissant.

Une réalisation indépendante et intéressante

Adrian Sitaru a réalisé son long-métrage entièrement grâce à des sources indépendantes, toute aide lui ayant été refusée par le Centre National roumain de la Cinématographie. Dans cette Roumanie encore très traditionnelle, la nature des thèmes abordés a sans aucun doute joué un rôle décisif dans ce refus. Réaliser un film de qualité avec un budget limité était un challenge de taille que Sitaru avait déjà relevé à de nombreuses reprises avec succès. Dans Illégitime, il a choisi de filmer chaque scène en une seule prise. Une économie d’argent et de temps, qui s’accompagnait d’une improvisation presque constante des acteurs, qui n’étaient d’ailleurs pas tous professionnels. Cette spontanéité et le fait que nombre de scènes étaient filmées en caméra à l’épaule immergent totalement le spectateur, qui a par moment l’impression de regarder un documentaire. Et selon Sitaru lui-même, le but était là.

Et puis tout s’écroule

Seulement voilà, ce film que j’espérais grandiose par sa force et son message, me laisse devant la porte de l’Eldorado de Namur avec une pointe d’amertume. Le goût de la déception. Devant la première scène, aussi longue que la route Bruxelles-Marseille un week-end du 15 août, mon indifférence est grande. Le « scandale » de Victor, si mal amené, m’a fait l’effet d’une gentille petite tape sur le dos de la main. Et ne parlons même pas de la scène suivante (trente minutes après le début du film donc) où l’on observe Sasha et Romi dans leurs ébats incestueux. Avant cela, nous n’observons aucun moment de complicité entre les jumeaux. Il n’y a pas la moindre séquence nous habituant psychologiquement au fait qu’ils sont frère et soeur. Tout ceci nous rend donc presque imperméables au choc qui devrait nous atteindre. J’ai passé toute la durée du film à ne pas réaliser qu’ils étaient jumeaux, mais à les prendre réellement pour un couple quelconque. Difficile donc d’être touchée par toute l’histoire qui en découle.

L’ultime séquence, répond à la première et prend place dans la salle à manger une nouvelle fois. Tout le monde est là. Les jumeaux. Mais aussi Julie, qui assise dans un coin, semble râler ; son air morne ne gâche pas l’ambiance festive qui transpire du cadre. Cosma est là lui aussi, de l’autre côté de la pièce. Par dessus cette image parfaite de déjeuner familial, on entend la voix de Victor qui nous parle du temps, de l’acceptation et de son amour pour sa fille (même si elle est enceinte de son frère). Tout est bien qui finit bien. Et moi, je n’ai pas tout compris.

 

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