La critique de cinéma fait partie intégrante du monde du cinéma. En Belgique, les figures comme Hugues Dayez et Cathy Immelen sont bien connues du grand public, contrairement aux critiques amateurs dont le web est empli. Une licenciée en philosophie, un architecte, une étudiante en communication et un infirmier composent cette année le Jury Cinevox du Festival international du film francophone de Namur (FIFF). Pendant une semaine entière, ces quatre cinéphiles ont vécu dans la peau de critiques cinéma pour finalement décerner un prix.
Des professionnels partagés
Ce genre d’initiative n’est pas toujours bien vu par les professionnels de la critique, à l’image d’Hugues Dayez, critique cinéma et journaliste culturel belge. Peu convaincu par le nombre important de jurys présents dans les festivals de cinéma, le journaliste estime que « soit on a un jury de personnalités du cinéma, soit un prix du public. Tout ce qui est entre les deux me paraît un peu bancal car on est ni avec un public qui a la force du nombre, ni avec de véritables professionnels qui pratiquent le cinéma. »
Au contraire, pour Cathy Immelen, journaliste cinéma et marraine du jury Cinevox cette année, il est primordial d’avoir ce genre de jury dans un festival : « Avoir le regard de gens qui paient vraiment 10€ pour aller au cinéma est plus significatif qu’un jury de professionnels qui a un regard aiguisé et parfois un peu trop pointu sur un film. » Pour la présidente du jury, cette expérience est aussi enrichissante pour les professionnels : « Nous, critiques cinéma, sommes peut être un peu blasés, extrêmement difficiles et parfois un peu cyniques, car plus on voit de films, plus on a envie d’en voir des bons. J’ai été ravie de parler cinéma avec des gens qui parlent de leurs émotions, contrairement à nous, critiques, qui avons peut-être tendance à intellectualiser un peu trop. »
Faire des ponts
Selon Hugues Dayez, animateur de l’émission 5h Ciné (Pure FM), « si on veut traiter de cinéma, il faut être journaliste de cinéma, car il faut comprendre les enjeux économiques du milieu et connaître le dessous des cartes ». Selon lui, le bagage culturel est indispensable au métier de critique : « Je pense qu’il faut avoir vu énormément de films et être capable de faire des ponts entre diverses générations de cinéma. » Indispensable aussi : la connaissance de l’histoire du cinéma « parce que c’est la seule possibilité de mettre en perspective le cinéma d’aujourd’hui et de voir si tel ou tel est film est novateur et fait avancer le langage du cinéma ».
Un avis relativisé par Djia Mambu, journaliste cinéma et membre cette année du jury de la Critique au FIFF : « Lorsqu’on se retrouve rien qu’entre critiques ou journalistes dans un jury, on peut oublier au final notre regard innocent par rapport au film. » Selon elle, c’est la diversité qui fait la richesse d’un jury. Les membres du jury Cinevox estiment d’ailleurs que leur prix est représentatif de leur diversité et de leur complémentarité. Pour Noémie Garcia Carillo, étudiante en communication, « c’est surtout une question de sensibilité ; on est tous capables de voir certaines choses, on sait quand un plan est bien ou mal filmé, quand un acteur joue bien ou mal. Je me sens très à l’aise là dedans. » Cathy Immelen les rejoint sur ce point : « Je pense que l’opposition critique professionnel ou non-professionnel n’est pas un enjeu important. On est tous critiques, on a tous des idées ».
Coup de projecteur
Le prix Cinevox permet au film vainqueur (cette année, Je me tue à le dire de Xavier Seron) de remporter une semaine de promotion gratuite en salles. Thomas Lambillon, l’infirmier du jury amateur, prend maintenant bien conscience de cette responsabilité : « Notre décision donne un coup de projecteur sur le film et, avant le festival, je ne pensais pas que ce prix allait avoir un tel impact. » Mais justement, pour Hugues Dayez, « ce qui est dangereux, c’est quand un prix ou une absence de prix détermine la carrière du film. Le critique n’est pas là pour donner des prix ou déterminer quel est le meilleur film. »
Professionnel ou amateur, l’existence même des critiques est remise en cause par certains réalisateurs. François Truffaut disait déjà dans les années 70 : « Un jour, je ferai un film que les critiques aimeront. Quand j’aurai de l’argent à gaspiller. »