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05
Oct
2016

Sébastien Betbeder revient avec la suite des aventures des amis atypiques Thomas et Thomas. Rencontre avec le réalisateur.

Sébastien Betbeder au micro du Bruxelles Bondy Blog

Le Voyage au Groenland, un test d’amitié à l’autre bout du monde

La rencontre des deux citadins français, Thomas et Thomas, avec deux Groenlandais de passage en France, Ole et Adam, avait déjà séduit les critiques et le public il y a deux ans. Le court-métrage Inupiluk avait alors notamment reçu le prix du public au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand et a été nommé aux Césars en 2015 pour Meilleur court métrage. Aujourd’hui, les deux amis qui partagent le même nom et la même profession font leurs premiers pas au grand écran dans la suite du court-métrage, Le Voyage au Groenland. Rencontre avec le réalisateur, Sébastien Betbeder.

Le Voyage au Groenland

Dans le court métrage Inupiluk, Thomas et Thomas accueillent leurs amis groenlandais chez eux en France. Pourquoi avoir choisi cette fois-ci de sortir les deux personnages principaux de leur zone de confort ?

Ce n’était pas prévu à l’époque où je tournais Inupiluk, mais à la fin du court-métrage, Ole et Adam, les deux villageois de Kullorsuaq qui sont venus pour la première fois en France, proposent aux deux Thomas de les rejoindre au Groenland. Cette invitation, totalement naturelle pour eux, est devenue pour moi une espèce de pari cinématographique absolument excitant. L’idée était de provoquer un projet assez unique en filmant dans un endroit qui n’avait encore jamais été filmé. Il y avait donc pour moi une sorte de responsabilité. Je ne voulais surtout pas avoir une étiquette d’ethnologue, mais je devais néanmoins témoigner aussi de ce que vivent ces villageois-là, dans ce lieu absolument excentré du Groenland.

Au moment de la scénarisation du film, quelle est la thématique que vous vouliez mettre en avant ? L’amitié ou l’échange culturel ?

L’idée était d’arriver là-bas sans attente ni a priori, comme les personnages. Le premier enjeu narratif, c’était de continuer l’histoire entre les deux Thomas, parler de leur amitié, et de la façon de s’y prendre pour renouveler une amitié vieille de 10 ans. Pour moi, le voyage et le fait d’être en terre inconnue et dans un contexte complètement différent, peuvent être un test. Si je ne voulais parler que de leur amitié, j’aurais pu tourner n’importe où en Afrique, dans la Creuse ou encore dans les Pyrénées… mais au Groenland, il y avait aussi cette responsabilité de témoigner d’un peuple. C’était le deuxième enjeu narratif.

Je voulais donc que les personnages du film jouent leur propre rôle. Les acteurs ont accepté de prêter leur nom à leur personnage et de garder leur profession dans le film. Ole est Ole, Adam est Adam et Thomas et Thomas sont Thomas et Thomas. Un rapport d’égalité était nécessaire pour qu’une certaine confiance s’installe. Si je filmais des gens qui partageaient leur expérience et leur culture, il fallait que les Thomas fassent de même. La vie en communauté pendant tout le mois de tournage en dépendait.

Le Voyage au Groenland

Les deux personnages principaux partagent le même nom. Pourquoi c’était important pour vous ?

J’ai décidé qu’ils s’appelleraient Thomas au moment d’Inupiluk. Quand Nicolas – l’explorateur qui vit là-bas – m’a fait sa proposition, j’avais très peu de temps pour construire ces deux personnages et pour écrire le scénario. J’ai donc dû prendre des décisions très vite et souvent, quand on décide vite, on va au plus évident. Et le plus évident c’était qu’ils s’appellent Thomas comme ils s’appellent eux-mêmes Thomas dans la vie. J’ai compris que c’était quelque chose d’interdit au cinéma. Deux personnages principaux qui portent le même nom, c’est quelque chose qui n’est absolument pas pratique et qui pose forcément plein de problèmes. Mais pour moi, ces problèmes allaient créer une force. J’aime bien dire que Thomas et Thomas sont deux individus à part entière, mais qu’ensemble, ils créent un troisième individu, une espèce d’être hybride. Il y avait cette idée du duo comique.

Quand on aborde un sujet qui pourrait être confondu avec un récit de voyage, quels sont les pièges à éviter pour ne pas tomber dans l’anecdotique ?

Je crois que justement, pour approcher quelque chose d’universel, pour pouvoir parler de choses essentielles, en toute modestie, il me semble important d’être dans « l’anecdote », dans les choses assez proches du réel, de nous. Pour appréhender ce territoire totalement inconnu, il fallait que je parte sans a priori pour que par après, le film transmette les spécificités et le caractère complètement inédit de la vie de ces Inuits de l’extrémité du Groenland. Je n’avais pas calculé ça. J’ai juste préparé le film en consultant Nicolas Dubreuil, l’explorateur sans qui je n’aurais jamais été vers cette communauté. J’ai écris un scénario à partir de ce qu’il me disait de ces villageois, de la façon dont lui les connaissait. Je suis donc arrivé au Groenland en ayant une espèce de connaissance au travers de Nicolas. Mais après, il restait à vivre tout ça. Être sans certitude, ouvert à l’inconnu de l’expérience qu’on allait vivre, c’était très intéressant. Et je crois que le film témoigne exactement de ce que les Inuits vivent aujourd’hui.

Est-ce qu’on peut s’attendre à revoir les deux Thomas dans d’autres aventures en France ou à l’étranger ?

La dureté de l’expérience du tournage, tourner par -35° et avec le jour perpétuel, a poussé chacun à remettre beaucoup de choses en question. Après le tournage, on s’est dit qu’on avait vécu quelque chose de très fort, qui serait presque difficile à dépasser. Mais maintenant que le film est fini, que le montage est fait, et que je commence à présenter le film, je retrouve cette idée qui était déjà en moi au moment de la construction de ce duo comique. Je recommence à me dire que ce serait beau de continuer à vieillir avec eux, en tout cas de les filmer peut-être dans cinq, six ou dix ans. Ce serait beau comme projet de cinéma. Beaucoup de réalisateurs fantasment de ça. Certains l’ont fait et l’ont réussi. Aujourd’hui je pense que oui, pourquoi pas filmer Thomas et Thomas ailleurs, dans d’autres pays, dans une autre aventure.

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