L’anthropologue québécois Mouloud Boukala a mené une recherche sur l’auto-représentation des jeunes artistes montréalaises d’origine haïtienne. Comment ces jeunes filles, âgées de 15 à 24 ans, se représentent-elles ? Peuvent-elles déconstruire, par leur art, les stéréotypes les plus véhiculés dans la société ?
Les Haïtiens sont la plus grande minorité présente au Québec. Au début des années 60, des intellectuels, le plus souvent francophones, ont fui le régime Duvalier. Plus tard, une immigration socio-économique a concerné essentiellement des travailleurs et ouvriers créolophones. Aujourd’hui, les stéréotypes à l’égard des haïtiens demeurent nombreux dans les médias québécois : vaudou, violence, drogue, criminalité,… Ces clichés, s’ils ne sont pas déconstruits, peuvent porter atteinte au regard que l’on porte sur la communauté haïtienne.
Mouloud Boukala interroge au travers de certains médias visuels comme la photo, le dessin et le graffiti, la manière dont les jeunes haïtiennes se représentent au sein de la société québécoise. Il remarque des images récurrentes de princesses urbaines noires, nord-américaines et africaines. Il existe un décalage entre « qui on est » et « comment on est représenté par les autres ». Elles se réfèrent souvent à une Afrique idéalisée, et même si elles ne se connaissent pas, elles ont souvent le même modèle d’inspiration.
Beaucoup aspirent à la célébrité même si c’est chez les plus jeunes que ce désir est le plus fort. Les plus âgées ont déjà acquis de l’expérience et désirent surtout vivre de leur art.
Finalement, Mouloud Boukala remarque qu’elles représentent peu dans leurs oeuvres le milieu d’où elles viennent. On peut, au regard de leurs dessins, peintures, photos,… apprécier les témoignages d’expériences sociales concrètes et apercevoir des réalités quotidiennes complexes souvent difficiles. Mais aussi voir leurs rêves et envies, qu’elles présentent au travers de leurs créations.