30 août 2015, Il est environ midi trente. Deux amis roulent à moto sur la N4 en direction de Namur. A hauteur de Gembloux, une Nissan Micra s’immobilise sur la bande de gauche, pour effectuer une manœuvre de demi-tour en zone pourtant interdite. Le premier motard parvient à l’éviter de justesse, son acolyte n’aura pas cette chance. Il percute de plein fouet l’arrière de la voiture. La moto est projetée à 25 mètres du point d’impact. Les secouristes rapidement dépêchés sur place tentent de réanimer le motard pendant une demi-heure, en vain. Deux des quatre occupants de la voiture sont blessés. Ce type d’accident violent est loin d’être rare dans le coin. Durant les douze derniers mois, les médias ont traité plus de 20 accidents violents survenus dans la région gembloutoise ici répertoriés sur une carte.
Un paradoxe interpellant
Consciente de ce problème de sécurité, la Ville de Gembloux a signé en 2013 la charte « SAVE Villes & Communes » dont les sept objectifs visent à améliorer la sécurité des usagers de la route. Cette charte est une initiative de l’association des Parents d’Enfants Victimes de la Route et Gembloux est alors la première ville wallonne à la signer. La ville a donc mis en place les objectifs de la charte via un plan d’action concret, dont la plupart des projets ont été mis en œuvre pour finalement obtenir le label « SAVE » fin 2014. Si la démarche témoigne d’une certaine volonté de la ville d’améliorer la sécurité routière sur son territoire, on ne peut pas encore parler d’une réussite totale. Assez paradoxalement, le nombre d’accidents ayant fait l’objet d’un constat par la police a explosé dans la cité des couteliers en 2013 et en 2014. Ces chiffres issus des bilans 2013 et 2014 de la zone de police couvrant le territoire de Gembloux- Eghezée- La Bruyère, permettent de constater cette forte évolution du nombre d’accidents.
Il est difficile de trouver les raisons exactes de cette hausse. Du point de vue de l’opposition, celle-ci s’explique en partie par le manque de répression en matière de roulage. Laurence Dooms, conseillère communale dans l’opposition (Ecolo) :
« Ce que nous disons régulièrement au conseil communal, c’est que la charte SAVE c’est non seulement des aménagements, mais c’est aussi de la prévention et de la répression. Il me semble que la ville a peu de politique en cette matière. Il y a des radars préventifs qui ont été achetés et qui sont mis en place mais il y a très rarement des campagnes de répression. Et donc ça, c’est un souci. C’est bien d’avertir les gens qu’ils roulent trop vite, mais s’il n’y a pas de sanctions derrière, ça reste souvent infructueux. »
Manque d’effectif et coûts élevés
Emmanuel Heageman du service mobilité de la Ville de Gembloux réagit à ces propos :
« Oui, tout à fait je suis d’accord, mais il faut vous dire qu’un radar répressif coûte déjà très cher à l’achat mais derrière il y a aussi un coût qui est la gestion des procès-verbaux qui sont dressés par la police et là, on tombe dans un autre problème, celui du manque d’effectif au sein de la police. Il doit également y avoir un suivi au niveau de la justice et là aussi, ils vont vous dire que malheureusement, ils ne peuvent pas couvrir tout ce qui est fait par la police vu le manque d’effectif dont ils sont eux-aussi victimes. »
Le manque de répression pointé du doigt est bien réel, le bilan 2014 de la zone de police Orneau-Mehaigne fait état d’une forte baisse des procès-verbaux en matière de vitesse :
« A noter que le nombre de rédactions en matière de vitesse est passé de 15139 en 2013 à 10568 en 2014. Cette diminution s’explique en grande partie par une modification à la hausse de la tolérance du seuil de verbalisation modifié en octobre 2014 et la variation des effectifs du service. »
Le label « SAVE » n’est donc pas la recette miracle pour diminuer le nombre d’accidents à Gembloux. Mais il n’en reste pas moins le témoignage d’une volonté de changer les choses. Celle-ci est d’ailleurs confirmée par une série de projets de sécurisation que la Ville de Gembloux prévoit de débuter dès l’année prochaine. Ils sont détaillés par Thomas Heageman :
« Il y a deux gros projets sur la nationale entre Lonzée et Gembloux. Le premier, c’est le placement de feux sur la chaussée au carrefour de la rue de Baty de Fleurus, où il y a encore eu un accident très grave il y a quelques mois. L’autre gros projet, c’est la construction d’un rond-point au carrefour de la rue Maréchal Juin et la rue du Bordias. Il inclut la construction d’un giratoire et d’une berne centrale qui descendra jusqu’au rond-point des Trois Clés. Cela permettra d’avoir une meilleure sécurisation de cette partie de la N4, et on réduit par la même occasion la vitesse. Actuellement, on est à 90km/h et avec la berne centrale et le rond-point on passera à 70Km/h. »
Le sens des priorités
La ville à l’avenir prévoit encore d’autre projets à long terme telle qu’une jonction directe entre le centre sportif de l’Ormeau et le centre-ville afin d’éviter le passage obligatoire par la nationale, ou encore des voies plus sécurisantes pour les usagers faibles. Les campagnes de répression et la mise en place de tels projets sont très onéreuses et difficiles à mettre en place, notamment à cause des manques d’effectif et de la crise. C’est ce qui explique, selon les concernés, cette lenteur à réagir. Etonnant alors que des projets très coûteux comme la construction d’un tout nouvel hôtel de ville aient pris place avant la sécurisation nécessaire de certains axes dangereux. Après tout, il est important de se rappeler que la sécurité doit être une priorité et qu’elle n’a pas de prix.