20
Déc
2018

Pour fidéliser leurs abonnés et contrer la défiance vis-à-vis de leurs contenus, certains médias réinventent leurs relations avec leur lectorat.

La conférence #digitalmedia de la fédération des télévisions locales s'est penchée cette année sur la question des communautés.

Pour fidéliser leurs abonnés et contrer la défiance vis-à-vis de leurs contenus, certains médias réinventent leurs relations avec leur lectorat.

20 Déc
2018

Trois pistes pour repenser la façon dont les médias animent leurs communautés

« Nous avons un contact permanent avec nos lecteurs et nous ne ressentons absolument pas de défiance. » Entendue ce mardi 18 décembre lors de la conférence #digitalmedia initiée par la fédération des télévisions locales, en partenariat avec  l’IHECS et l’AJP, cette déclaration a laissé pantois certains journalistes présents dans la salle. Pourtant, Cédric Garrofé, responsable réseaux sociaux du quotidien suisse Le Temps, l’affirme: selon des enquêtes de taux de qualité, “huitante pourcents” (80%) des Suisses romands font confiance au journal. Pour atteindre cet objectif, assure-t-il, la relation entre média et lecteurs a dû être repensée. C’est aussi le cas pour le Times & Sunday Times, qui, par la voix de sa « Social Media and Community Journalist », Ramya Nair, explique l’importance de réduire l’écart entre le média et ses abonnés. Le tout en gardant un positionnement qualitatif, marque de fabrique des deux journaux. Mais quelles sont, en détail, leurs stratégies ?

1. Susciter l’intérêt des niches

Tous s’accordent à dire qu’il est important de toucher des publics ciblés. Dans cette optique, le Times a créé cinq groupes Facebook, à l’image du 52/48,  un groupe de 1400 membres dont le nom se réfère au résultat du référendum sur le Brexit et dont les conversations abordent l’avenir du Royaume-Uni. Aux côtés de ce lieu de débat, First Edition, une sorte de club de lecture 2.0, rassemble plus 3700 membres. Les trois derniers groupes lancés, Curtain Call, The Sweeper et Screen Times traitent respectivement de théâtre, de sport et de cinéma.

Les modérateurs, des journalistes du Times & Sunday Times, participent au débat dans les commentaires. Ils organisent également régulièrement des Q&A, sessions où ils répondent aux interrogations des membres. Par ailleurs, des sondages récurrents sont utilisés pour redéfinir l’orientation des différents groupes. Cela permet aux participants d’avoir une certaine emprise sur la communauté. Le journal se targue d’une interaction de 89% des membres de leurs groupes Facebook en moyenne par mois.

Depuis, d’autres médias se sont engouffrés dans la brèche. The Economist a créé son premier groupe, « Democracy In America », en juillet 2017. Il traite de la politique américaine et rassemble 2800 membres aujourd’hui. Il fut suivi d’« Open Futur », a global conversation over liberty. En France, Le Monde a également ouvert un club de lecture, « Tout le monde des livres ».

2. Mettre le lecteur à contribution

Depuis son changement de direction en 2016, Le Temps a mis un point d’honneur à inclure le lecteur dans sa ligne éditoriale, notamment en lui proposant de voter pour des sujets d’articles, en l’invitant à la rédaction ou encore en l’interviewant. Le quotidien de Lausanne a également accéléré ses partenariats avec des blogs citoyens parce qu’ils permettent d’atteindre des publics de niches et d’offrir une chance au lecteur de contribuer à la production de “son journal”. Le contenu est fourni majoritairement sur base volontaire (la rédaction a malgré tout une wishlist de blogueurs de qualité) et il n’est jamais rémunéré…

Dans la même lignée, le Club de Médiapart est un espace de contribution pour ses lecteurs qui pousse au débat et à l’échange d’idées. Cet espace numérique s’apparente à une plateforme de blogs, mais aussi à un réseau social où il est possible de rencontrer d’autres auteurs.

En Belgique, il existe aussi certaines tentatives de rapprochement entre lecteur et média. Par exemple, Arnaud Wery et Lavenir.net ont proposé de s’appuyer sur des témoignages d’abonnés pour construire un projet interactif portant sur le temps que mettent les abonnés pour se rendre au travail. L’Avenir a également développé une déclinaison print de ces histoires. Les abonnés ont très vite joué le jeu et le résultat est enthousiasmant.

3. Faire vivre des expériences

Le Temps a décidé d’aller plus loin en créant un pôle événement. Le constat de base est simple : si les jeunes ne veulent pas s’abonner à un média, ils ne voient pas d’inconvénients à dépenser de l’argent pour avoir accès à Spotify ou Netflix. Ils ne veulent pas payer pour lire des articles, mais ils sont pourtant prêts à mettre la main à la poche pour vivre des expériences. Pour capter une nouvelle attention, le journal a alors organisé des soirées, des concerts, des expositions, des ateliers… qu’ils proposent à leurs abonnés en priorité. Le but est simple : susciter l’intérêt ou fidéliser un lecteur, entrer en contact avec les Romands. Et ça donne aussi de la data pour le service marketing du journal… Ils proposent en outre une couverture des événements sur les supports digitaux. A partir de là est né le concept d’expériences sociales, mélange entre réseaux sociaux et événements. La stratégie globale du Temps a reçu le Online Journalism Award en 2017Et les résultats sont indiscutables : +23% d’audience digitale en un an, +30% d’abonnements digitaux et des événements à chaque fois complets.

Sopress a aussi franchi le pas. Lors de l’Euro 2016, à l’occasion de Croatie-Espagne, la société de magazines a organisé un match de foot-concert via son mouvement Tatane. Lors de cette retranscription sur écran géant, pas de commentaires, mais un orchestre symphonique et un groupe de rock qui jouaient en simultané des musiques capables de “parler à tout type de public“. L’événement a rassemblé deux mille personnes. S’il n’a rien rapporté sur le plan financier, ce coup marketing s’est révélé être une bonne opération pour le groupe.

Ces initiatives, souvent coûteuses, s’écartent de la pratique traditionnelle du journalisme. Les résultats concrets restent encore à prouver, et certains peuvent se demander si le jeu en vaut la chandelle. Cependant, elles permettent de voir plus loin que le simple partage de contenu sur les réseaux sociaux et d’encourager la multilatéralité dans l’échange d’informations. Avec comme objectif de réduire l’écart entre média et abonnés et, à terme, de redonner confiance en l’information.

 

Pour revivre la conférence #digitalmedia, retrouvez notre livetweet vidéo sur Twitter :

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