Stéphane Troussel
14
Avr
2016

Nous avons rencontré Stéphane Troussel (PS). Le politique à la tête du "9.3" s'est livré sur la réalité des banlieues.

Pour Stéphane Troussel (en costume cravate), "le repli sur soi par l'enfermement religieux est une réalité qui existe, mais cela ne résume pas les banlieues."

Nous avons rencontré Stéphane Troussel (PS). Le politique à la tête du "9.3" s'est livré sur la réalité des banlieues.

14 Avr
2016

« La Seine-Saint-Denis, c’est la France en modèle réduit »

Dans la foulée de notre semaine d’immersion à Bondy, nous avons rencontré Stéphane Troussel, le président socialiste du Conseil général de Seine-Saint-Denis, réélu il y a quelques jours. L’homme à la tête du “9.3”, s’est livré sans langue de bois. Bien conscient des difficultés de son département, il affirme tout de même que ce dernier représente la France, et non un territoire spécifique comme beaucoup le conçoivent. De la crise de la démocratie à la vie dans les banlieues, cette rencontre sous forme d’interview collective a balayé de nombreux sujets.

Face à une forte abstention des jeunes et dans le cadre du mouvement Nuit Debout, comment la classe politique se remet-elle en question ?

La crise démocratique ne porte pas sur la manière de faire de la politique, mais elle concerne plutôt l’offre, le contenu politique. Il faut accepter qu’il y ait de vrais choix et de vraies alternatives. Entre le PS et la droite démocratique, les gens ne voient pas très clair, il faut donc qu’on assume des choix. C’est par là qu’on y arrivera. On a en France une culture de la confrontation. La crise politique n’est pas qu’une crise de représentation, mais une crise de l’offre. Quand le Premier ministre dit, dans Libération, qu’il y a “deux gauches irréconciliables en France”, c’est une erreur profonde. D’une part, cela empêche la gauche de gagner et, d’autre part, cela veut dire que, dans les convictions de Valls, la gauche socialiste, pour gagner, doit aller chercher d’autres alliés.

L’ADN de la gauche n’est pas l’identité, c’est le combat pour l’égalité. C’est aussi par là qu’on redonnera du sens à l’engagement et à la volonté de participer. Quand les gens auront l’impression que leur vote va permettre tel ou tel choix. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.

Quel est votre point de vue sur la manière dont la Seine-Saint-Denis est perçue ?

Dans ce pays, en banlieue, on n’a pas de médias équivalents à ceux de la presse quotidienne régionale en France. On a trois malheureuses pages dans Le Parisien, mais ce quotidien cherche des lecteurs et donc un peu de sensationnalisme. Mais il y a des choses qui bougent et le Bondy Blog y contribue. Il y a également le décrochage de Radio France, l’installation de France 3 en Seine-Saint-Denis, mais c’est peu par rapport au million d’habitant que compte le département.

Le deuxième problème, qui est plutôt un problème de fond, concerne notre image. La France continue à avoir une vitalité démographique qui est sans commune mesure avec d’autres pays européens. Par contre, elle n’a toujours pas compris qu’elle doit cette vitalité démographique et économique d’abord à ses quartiers, aux banlieues. Or, la France se voit toujours comme le village avec sa mairie, son église, son clocher et sa boulangerie. Mais ce n’est pas la réalité de la France, ce n’est plus la réalité ! La France, c’est davantage la Seine-Saint-Denis avec sa vitalité démographique, son innovation, sa création d’entreprises, sa vitalité culturelle, etc. La Seine-Saint-Denis, c’est la France en modèle réduit. Le pays ne nous voit pas comme la France, il nous voit comme un territoire à part.

Comment expliquez-vous que le chômage soit si élevé alors que vous décrivez les banlieues comme si innovantes ?

C’est un problème démographique. On a plus de jeunes qui arrivent sur le marché du travail ; ceux qui le quittent sont moins nombreux. Le deuxième problème est que le système éducatif ne va pas bien. On a encore en France 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Forcément, dans le territoire le plus jeune, ces deux caractéristiques sont décuplées. On y est attentif.

Vous pointez des défaillances du système éducatif. Ne pensez-vous pas qu’il serait cohérent d’expliquer l’histoire de l’immigration aux jeunes pour un meilleur vivre ensemble ?

Bien sûr, parce que la France n’est toujours pas au clair sur son passé colonial et plus précisément sur la guerre d’Algérie. Dans le cadre de mes fonctions, cela m’a conduit à mettre en place des partenariats avec le Musée national de l’histoire de l’immigration, que Sarkozy avait refusé d’inaugurer lorsqu’il était président de la République. L’histoire de la France, c’est aussi l’histoire de vagues d’immigration successives. Le fait de ne pas être au clair avec cela nous empêche de nous voir tels que nous sommes aujourd’hui et cela nous empêche d’avancer.

Le Ministre socialiste de la Ville, Patrick Kanner, a parlé de centaines de « Molenbeek français » pour caractériser certains quartiers. Comment réagissez-vous face à cela ?

Cela m’a fortement agacé. Je ne connais pas Molenbeek, mais j’imagine que ce n’est pas qu’un repère de djihadistes. C’est insupportable de résumer les banlieues françaises à un nid de djihadisme.

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