« Si on se met ensemble, qu’on se parle, qu’on échange, chacune peut commencer à avancer. » Ces mots, adressés aux femmes, sont prononcés avec espoir et ténacité par Honorine Munyole, qui se bat tous les jours pour que justice soit faite en République Démocratique du Congo. À travers le portrait de Maman Colonelle, le réalisateur Dieudo Hamadi pointe du doigt deux problèmes sociétaux encore très présents dans le pays : les victimes oubliées de viols et les enfants maltraités, accusés de sorcellerie.
Honorine, un espoir pour les Congolaises
Chargée de la protection des enfants et de la lutte contre les violences sexuelles envers les femmes, la Colonelle Honorine est une véritable star à Bukavu, une ville de l’Est du Congo où le viol est utilisé comme arme de guerre. Après quinze ans de travail dans cette région, Maman Colonelle est mutée à Kisangani dans le centre du pays. Elle se trouvera face à de nouveaux enjeux et tentera de s’occuper d’enfants maltraités et de femmes veuves, encore traumatisées par les évènements de la guerre des six jours, survenue quinze ans plus tôt.
Un combat courageux
C’est un portrait réussi que livre Dieudo Hamadi. Le combat d’Honorine, l’héroïne du film, est touchant mais aussi alarmant. Sa force et son courage impressionnent. L’indifférence des gens face aux victimes et la puissance des croyances populaires pour justifier la violence faite aux enfants, évoquent un sentiment d’injustice et de compassion chez le spectateur.
Honorine est prête à tout pour sauver ces enfants. Quand elle découvre un petit garçon, le corps rempli de cicatrices, Maman Colonelle n’hésite pas à le prendre directement sous son aile. Elle saute dans la première voiture pour rendre justice à l’enfant et trouver qui lui a fait ça. Sur place, elle questionne et profère des menaces sous le regard passif des villageois. « Tu payeras ça cher, même devant Dieu », lance Maman Colonelle à la belle-mère qui accuse l’enfant de sorcellerie.
Simplicité technique
Maman Colonelle fait partie de ces documentaires dont on oublie l’esthétique au profit du contenu. Comme dans ses précédents films, Examen d’Etat et Atalaku, Dieudo Hamadi a recours à un dispositif de tournage simple. Le documentariste a choisi de suivre Honorine caméra à l’épaule. Aucune interview face caméra n’est réalisée.
Pendant plus d’une heure, le spectateur s’immisce dans le quotidien chaotique de la Colonelle, entre découverte d’une secte qui prétend « exorciser » les « enfants sorciers » et la concurrence qui persiste entre les personnes handicapées et les femmes violées pour se faire aider par Maman Colonelle.
Le film a remporté le Prix spécial du jury de la compétition officielle des longs-métrages du Festival international du film francophone de Namur 2017.
Marie-Claire Ide