Musa, ancien détenu, tient un collier de perles dans ses mains.
01
Juin
2016

DOSSIER "EX-TAULARD" 2/6. Rencontre avec Musa, kurde, idéaliste, engagé et ancien prisonnier.

Musa a toujours le collier en perles qu’un ami, emprisonné lui aussi, lui a offert le jour de sa libération. © Juliette Favre

DOSSIER "EX-TAULARD" 2/6. Rencontre avec Musa, kurde, idéaliste, engagé et ancien prisonnier.

01 Juin
2016

PORTRAIT. Musa : “La prison m’a pris autant qu’elle m’a apporté”

Emprisonné lorsqu’il avait 17 ans, Musa, d’origine kurde, a vu sa vie bouleversée. Etre prisonnier politique dans les années 80 en Turquie, signifiait une torture quotidienne, physique et psychologique, de la part de la police et des surveillants. Mais Musa affirme avec force qu’il ne regrette rien, car sa détention s’inscrit dans son parcours idéologique, dans son combat pour ses idées.

Le temps passait relativement vite. Les prisonniers politiques, réunis au sein de blocs, ne rencontraient les autres détenus que lors des promenades. Du fait du surpeuplement des prisons, une trentaine de personnes s’entassait dans une cellule. Cette promiscuité favorisait les débats et les partages d’idées entre codétenus, qui n’étaient jamais isolés. Il n’y avait littéralement pas de place pour les pensées individualistes. La vie s’organisait collectivement, en petites communautés.

Continuer de lutter

Les prisonniers s’encourageaient à faire quotidiennement du sport, pour éviter les idées négatives et se redonner de l’espoir. Avoir un mental fort leur permettait d’impacter positivement ceux restés à l’extérieur, leurs camarades de luttes et leurs proches.

L’hygiène et la sécurité faisaient défaut, même si les condamnés à mort se fixaient pour mission de protéger les courtes peines.

Musa n’entrevoyait aucun futur et ne faisait aucun projet. Il avait conscience d’une mort omniprésente, mais ne la craignait pas. Sa seule peur était de mourir d’une balle perdue, seul et sans explications. Sa fierté aurait été une mort pour l’honneur, une mort dans la lutte pour ses idées.

A sa sortie, son titre « d’ancien détenu » fut mal perçu au sein de la société turque, notamment lors de sa recherche d’un nouvel emploi. Un casier judiciaire ne permet pas d’obtenir un poste de fonctionnaire, ni de travailler dans une grande société, et il rend très difficile l’accès aux études. Les gardes à vue sont régulières et la surveillance est renforcée auprès des personnes sortant de prison.

« La victoire appartient à ceux qui y croient »

Les rapports avec ses proches changèrent également. Il ressentait davantage un besoin de solitude et de calme pour réfléchir. Malgré sa fierté d’avoir été emprisonné pour ses convictions, le retour à la vie normale ne fut pas aisé. Comment tirer un trait sur ses années de détention ? Comment faire comme si rien ne s’était passé, malgré deux ans d’absence ?

Sans regrets, mais avec beaucoup d’amertume, il confie que la prison lui a enlevé les plus belles années de sa vie. Il n’a jamais réussi à retrouver l’énergie et la joie de vivre qui l’habitaient. Avant son emprisonnement, son engagement politique engendrait du sens. Il n’en a trouvé aucun pendant son incarcération, mais a réussi à en reconstruire un à sa sortie, notamment parce que la prison l’a fait grandir. Elle lui a autant pris qu’apporté : elle lui a enlevé sa liberté et son intimité, mais elle lui a permis d’être en relation avec le vécu des autres et a renforcé ses opinions et ses croyances. Musa sourit fièrement et dit : « La victoire appartient à ceux qui y croient ».

Dans les prisons francophones de Belgique, la colère gronde et ne désenfle pas. Depuis le 25 avril 2016, les agents pénitentiaires font grève en réaction à l’ajustement budgétaire du ministre de la Justice Koen Geens. Les conditions de détention s’en trouvent fortement impactées. C’est dans ce contexte que nous donnons la parole à d’anciens détenus tout au long de la semaine. Ces rencontres ont été réalisées entre décembre et juillet 2015, dans le cadre d’un « crédit projet », c’est-à-dire un projet journalistique libre réalisé en fin de cycle de baccalauréat. Elles sont l’occasion d’une réflexion sur l’enfermement et ses séquelles.
Lire notre dossier “Libérés sans garder de traces”

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