Tourisme Manneken Pis
16
Jan
2019

Un touriste passe en moyenne 2 nuits sur place quand il visite notre capitale. La ville doit-elle capitaliser sur ce tourisme de passage ou tenter de prolonger les séjours ?

Photo : L. Bollette

Un touriste passe en moyenne 2 nuits sur place quand il visite notre capitale. La ville doit-elle capitaliser sur ce tourisme de passage ou tenter de prolonger les séjours ?

16 Jan
2019

Tourisme de passage à Bruxelles : une stratégie de la ville ?

En plein mois de décembre, les visiteurs étrangers se font nombreux dans la capitale belge. Les touristes foncent à Bruxelles pour profiter de son patrimoine historique, déguster les légendaires bières belges ou découvrir les institutions européennes. Pourtant, la ville ne semble pas attirer un tourisme de long séjour : la plupart des visiteurs y restent un ou deux jours, voire même une seule matinée. Bruxelles s’apparente-t-elle à un lieu de passage aussitôt vu, aussitôt oublié ?

Corentin Descamps, conseiller en recherche et développement marketing de Visit Brussels, estime que Bruxelles reste dans la moyenne européenne habituelle : « Bruxelles est une ville de city trip et on est tout à fait dans la moyenne d’une durée de séjour européenne ». Toutefois, des grandes capitales touristiques telles que Rome, Amsterdam ou Paris, reçoivent un nombre de visiteurs plus élevé : en 2017, on enregistrait 16 millions de visiteurs à Amsterdam, 27 à Rome et 31 millions à Paris. A Bruxelles, 3,6 millions de visiteurs ont séjourné dans la ville en 2017, pour un total de 6,6 millions de nuitées hôtelières.

Chiffres de l’organisme régional Visit Brussels, chargé de la promotion touristique.

 

Au niveau de la durée de séjour moyenne, Bruxelles se rapproche plutôt d’Amsterdam, avec 1.8 nuitées.  « Quant à Bruxelles, on parle d’une moyenne de 1.8 nuitées. Il faut prendre en compte que la durée de séjour n’est pas la même en fonction du marché étranger :” précise Corentin Descamps, rappelant que ces nombres ne représentent que des moyennes.” Les voyageurs chinois ou japonais ont tendance à ne rester qu’une nuitée, tandis que du coté de l’Espagne on tourne autour des trois nuitées ». Ceci montre que la proximité géographique influence la durée de séjour des visiteurs.

“Bruxelles, c’est une ville de city trip et ça le restera”

Patrick Bontinck, CEO de Visit Brussels, travaille en collaboration avec la ville pour adopter une campagne de communication cohérente et adaptée. L’agence souligne l’augmentation du nombre de visiteurs en 2017, après la désertion des touristes en 2016 suite aux attentats du 22 mars. Doit-on pour autant promouvoir des plus longs séjours ? Ce n’est pas une priorité, selon lui. « On ne cherche pas à avoir un tourisme de plus longue durée car cela ne correspond pas à la demande. Bruxelles, c’est une ville de city trip et ça le restera». 

Un phénomène du “city trip” qui correspond à nouvelle façon d’aborder le voyage. Pour Jean-Michel Decroly, professeur de sciences géographique à l’ULB, l’évolution du voyage de type “court” s’inscrit dans une accélération du modernisme. “Si on regarde les pratiques touristiques au 19e siècle, les touristes qui visitaient une ville restaient généralement plusieurs jours, voir une semaine. Les croissances de courts séjours sont liées à une fragmentation massive du temps de travail, à un développement du transport aérien low cost et des différentes liaisons ferroviaire.” Bruxelles, comme d’autres villes, a vu une croissance substantielle de son nombre de touristes ces dernières décennies, croissance qui s’explique notamment par les plus grandes facilités de déplacement observées aujourd’hui.

La superficie de la ville est aussi une cause de ce tourisme de passage. Bruxelles est plus petite que Paris par exemple, et contient moins de zones d’intérêts. « La durée de séjour à Bruxelles, est normale pour une ville de cette taille. On ne peut pas comparer avec Paris. Paris, c’est dix millions d’habitants. » répond Karine Lalieu, députée fédérale et échevine du tourisme en 2017.

En revanche, Visit Brussels veut éviter le tourisme d’une journée, celui qui passe par la ville sans y séjourner. « Ça n’a presque pas d’apport économique et ce n’est pas le genre de tourisme que l’on veut ici ». A terme, l’organisme vise une fréquentation de dix millions de nuitées pour 2020.  « On est sur la bonne voie » selon l’agence.

Exit donc, le tourisme « check point » d’une journée où le visiteur ne passe que quelques heures à Bruxelles dans le cadre d’un voyage organisé. Mais pour atteindre les dix millions de nuitées, peut-on envisager des séjours qui dépassent le cadre du city trip ? « Les nuitées, qu’elles soient d’affaire ou de loisir, ont un impact économique non négligeable. Donc, on a tout intérêt à avoir des séjours plus longs », précise Corentin Descamps. Dans cette optique, l’organisme a mis en place une stratégie de répartition et de diversification des pôles touristiques. Le but est de de valoriser le potentiel attractif de certains quartiers périphériques, de manière à encourager les touristes à sortir du centre historique et à découvrir d’autres pépites de Bruxelles-capitale. « Ainsi les habitants peuvent bénéficier des retombées économiques et une offre plus large est proposée aux visiteurs ».  Il note d’ailleurs la progression du tourisme dans des zones plus éloignées « Il y a tout de même une évolution. On voit par exemple qu’un quartier comme le Châtelain (à Ixelles) devient touristique. Dans quelques années, le quartier du Kanal à Molenbeek le sera aussi ».

Un tourisme de passage, et pourquoi pas de retour

Il existe donc plusieurs types de tourisme à Bruxelles : le tourisme d’affaire et le tourisme de loisir. Le premier représente 55 % du tourisme à Bruxelles, contre 45 % de tourisme de loisir. Malgré une nette augmentation du deuxième en 2018, les businessmen sont une véritable poule aux yeux d’or pour la ville, qui n’hésite pas à investir dans des événements culturels pour encourager cette clientèle à rester plus longtemps. « Lorsque des congressistes ou des hommes d’affaires débarquent à Bruxelles, ils viennent pour assister à un congrès ou une conférence et notre but est d’organiser des événements post-congrès pour qu’ils restent une nuit de plus, voir qu’ils reviennent » explique Patrick Bontinck. « On veut que Bruxelles ne soit pas seulement une sensation d’un moment qui retombe dans l’oubli, mais que les gens aient envie de revenir parce qu’ils ont aimé la ville » précise Corentin Descamps. Objectif réussi puisque 35 % des touristes ayant séjourné à Bruxelles d’avril 2017 à avril 2018 étaient déjà venus visiter la ville précédemment. Des séjours plus courts, mais des séjours qui ont tendance à se répéter.

Un tourisme durable à Bruxelles ?

Visit Brussels est par ailleurs attentive à l’équilibre entre le bien-être des habitants et l’activité touristique croissante. Cette position de “tourisme durable” correspond à la politique menée par Karine Lalieu, échevine du tourisme en 2017. En collaboration avec Visit Brussels, elle a mis en œuvre une décentralisation des pôles touristiques. « Dans le cas de Plaisirs d’Hiver par exemple, c’est 2 millions de touristes, ce qui n’est pas forcément simple à gérer pour les habitants. Pour éviter le surplus, j’ai décentralisé les activités en organisant des petits villages de Plaisirs d’Hiver orientés vers les bruxellois dans les quartiers » explique la députée, qui insiste sur la nécessité de maintenir l’authenticité de la ville. « Je ne veux pas que Bruxelles devienne comme Barcelone ou Amsterdam. C’est à dire des villes ou l’overtourisme a fait fuir les habitants du centre historique. Si les touristes aiment Bruxelles, c’est aussi parce qu’ils peuvent y rencontrer des habitants ».

Dans certaines grandes destinations touristiques européennes, la population locale proteste face aux nuisances du tourisme de masse : hausse des prix de logements, espaces publics pris d’assaut par les touristes, nuisances sonores… Si la ville de Bruxelles prétend s’être prémunie contre ces effets, peut-on pour autant parler d’un tourisme durable ? Pour Jean-Michel Decroly, l’équilibre entre habitants et touristes existe à Bruxelles, mais reste fragile. « Au niveau durable, on retrouve quelques caractéristiques durables du développement touristique à Bruxelles. Le transport ferroviaire est bien développé, le centre de Bruxelles s’étend sur une surface réduite… mais sur le plan social, des problèmes se manifestent avec la croissance rapide de plateformes urbaines comme Airbnb qui entraîne une pénurie de logement pour les Bruxellois”. Karine Lalieu prétend avoir “lutté” contre la prolifération des hébergements Airbnb, dont la plus-value économique reste faible. « Il faut être conscient que le développement d’une activité comme le tourisme, ce n’est pas simple, car il faut savoir concilier les usages différents d’un même espace » rajoute-t-il.

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