affiche du film "Merci Patron"
10
Mai
2016

Retour sur l’avant-première bruxelloise de « Merci Patron ! », le film qui a donné naissance au mouvement "Nuit Debout".

Le film "Merci Patron !" connaît un joyeux succès dans la foulée des manifestations contre le projet de loi El Khomri.

Retour sur l’avant-première bruxelloise de « Merci Patron ! », le film qui a donné naissance au mouvement "Nuit Debout".

10 Mai
2016

« Merci Patron ! » : du film à la contestation

Il est 18h20 et la file s’allonge devant le Cinéma Vendôme à Bruxelles, la salle est déjà pleine et une liste d’attente est ouverte. « Merci Patron ! », sorti le 24 février en France, débarque à Bruxelles pour une avant-première en compagnie de son réalisateur, François Ruffin, et d’une salle comble.

La séance commence par plusieurs interventions de personnes venues assister au film. Ils se lèvent, prennent la parole et invitent le reste de l’audience à se joindre à la prochaine manifestation. Ils rappellent aussi un moment clé de l’histoire des contestations sociales, et proposent enfin de rejoindre le mouvement « Nuit Debout Bruxelles ». Cette entrée en matière étonnante s’explique par le fait que ce film, qui compte déjà 400 000 entrées en France, est l’un des événement qui a encouragé la naissance du célèbre mouvement « Nuit Debout ».

Une comédie populaire

La projection est ponctuée de rires, d’applaudissements ; le public ne peut rester insensible à cette « arnaque version lutte des classes ». Accessible à tous, le film joue pendant près d’une heure et demie avec nos émotions. On passe de l’empathie, à la surprise, à la colère, au rire et enfin l’envie d’agir à plus grande échelle. Frédéric Lordon, économiste atterré, parle d’« un film d’action directe » pour qualifier cette œuvre. Ce film traduit effectivement une volonté de mobiliser le public par l’affect plutôt que par les concepts. Un vrai travail de journaliste qui remet la question sociale au premier plan.

A la fin du film, François Ruffin fait son entrée dans le cinéma pour répondre aux questions des spectateurs. Le Français, connu des férus de la presse alternative et des milieux de gauche en France (et en Belgique), est aujourd’hui comparé au célèbre réalisateur américain Michael Moore. Son humour et son t-shirt « I Love Bernard Arnault » lui collent à la peau. Il annonce ironiquement qu’il ne demande qu’à faire racheter son film par le milliardaire puisqu’il a fait un « gros travail de communication pour LVMH et Bernard Arnault » et qu’« à un moment il y en a marre du bénévolat ! »

« Imagine que la rédaction de la Libre soit délocalisée en Pologne »

Ruffin invite les journalistes à revendiquer le populisme plutôt que d’en faire une injure en rappelant la définition du Petit Robert : « Courant littéraire s’appliquant à décrire avec réalisme la vie des gens du peuple. » Il propose également d’imaginer et de transposer le cas des classes populaires aux rédactions journalistiques : « Imagine que demain la rédaction de la Libre Belgique soit délocalisée en Pologne, le lendemain la rédaction du Soir en Roumanie et le surlendemain la rédaction de la RTBF en Inde. Vous imaginez le séisme que cela provoquerait ? »

De ce point de vue, l’absurdité des délocalisations est criante et il est probable qu’une telle décision provoquerait une réaction politique, voire une remise en question du système économique. Pourtant cela fait 30 à 40 ans que les délocalisations frappent l’industrie textile, la métallurgie, la sidérurgie… sans que la moindre loi ne soit posée. Une réponse politique défaillante due au manque de représentation de la classe ouvrière au sein des parlements ou des médias. François Ruffin, sensibilisé à ces problématiques, a d’ailleurs créé un journal, Fakir, dont le leitmotiv est justement d’analyser ces délocalisations et d’en critiquer les fondements. « De l’info à l’action », tel est le crédo du journal.

« Etre de gauche c’est être habitué à la défaite »

L’originalité de « Merci Patron ! » est d’avoir choisi un couple d’ouvriers comme acteurs principaux du film. François Ruffin revendique clairement son appartenance à la gauche et reconnaît avoir été un « compagnon de route » du Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Il dédie son film à toutes les Marie-Hélène de France, Marie-Hélène Bourlard étant la déléguée syndicale CGT présente dans le film. Un éloge des syndicats qui diffère du discours dominant.

Faire le lien entre les syndicats et le mouvement « Nuit Debout » est l’une des batailles de Ruffin. Pour faire converger les luttes, il invite, par exemple, les syndicats à s’exprimer Place de la République et convie le mouvement « Nuit Debout » à la grève des cheminots. Faire un lien entre la classe ouvrière et les « bobos de gauche », provoquer la conjonction de la rue et des urnes ou voir naître un parti populiste de gauche pour faire face au Front National, tels sont les souhaits de François Ruffin. Il ne se fait pourtant pas d’illusion concernant « Nuit Debout » et sa pérennité. Selon lui, avec l’Euro et les vacances scolaires, le mouvement risque de faiblir même s’il espère qu’il renaîtra avec les cortèges syndicaux du mois d’août.

La séance de questions-réponses s’achève. François Ruffin s’en va rejoindre ses collègues de Fakir pour vendre ses livres et ses journaux, distribuer des posters à l’effigie du film et semer les graines de la contestation. Il conclut la soirée en citant sa phrase clé, parfaite conclusion et enseignement du film : « Nous sommes plus forts qu’on ne le pense et ils sont plus fragiles qu’on ne le croit. »

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One Response to “« Merci Patron ! » : du film à la contestation”

  1. adrianagroom12@yahoo.com' Adriana dit :

    J’ai été très impressionné par ce film. Quel esprit, quelle atmosphère! Terrific!! Je vous conseille de voir ce film le plus tôt possible. Voici la bande-annonce: https://filmstreamingvf.video/3972-merci-patron-2015-vf-hd.html 🙂

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