07
Mai
2018

#BBBàRabat : Aujourd'hui, la mode marocaine intrigue par sa versatilité. Elle questionne les liens entre tradition et modernité. Pourquoi pas les mélanger ?

Jellâbas traditionnelles et survêtements de marques célèbres se côtoient dans les vitrines de Rabat.

#BBBàRabat : Aujourd'hui, la mode marocaine intrigue par sa versatilité. Elle questionne les liens entre tradition et modernité. Pourquoi pas les mélanger ?

07 Mai
2018

NESS-NESS : une mode marocaine en deux temps

Modernité et tradition. Ces deux mots sont constamment utilisés pour définir le Maroc d’aujourd’hui. Si la notion de tradition est propre à la culture et à l’histoire du pays ; celle de la modernité est plus subjective. En effet, elle dépend pour sa part de la vision que chaque individu s’en fait.

Quand on parle de mode en Belgique, les premières images qui viennent à l’esprit sont celles de marques ou de créateurs occidentaux. Et que ce soit sur les podiums ou dans les rues, notre imaginaire collectif tend à associer la modernité à tout ce qui se rapproche de ces images. Mais c’est là où le bât blesse. Si pour certains, la modernité reflète tout simplement les changements contemporains, nous avons remarqué en discutant modernité avec les habitants de Rabat que cette notion est à leurs yeux bien plus subtile. Pour certains, elle s’apparente à un rapprochement vers la société occidentale. Une forme de mondialisation.

« Ness-ness : expression marocaine utilisée pour parler d’une combinaison entre deux éléments différents, voir opposés »

Lorsqu’on observe les étals de la Medina de Rabat, cette promiscuité entre modernité et tradition est palpable. Jellâbas traditionnelles et survêtements de marques célèbres se côtoient. Que ce soit dans la marchandise ou dans le style des passants, le contraste est parfois frappant. Le style des jeunes marocains démontre bien cette tension. Loin de rejeter leur héritage vestimentaire, ils l’utilisent au quotidien. Et bien que certains s’en éloignent radicalement, ce n’est pas le cas de la majorité. Pour eux, le “ness-ness”, ou “moitié-moitié” est un concept qui peut s’étendre à la mode. Un subtil mélange entre vêtements traditionnels et actuels serait pour eux l’équilibre idéal. Portraits de sept d’entre eux.

Fatimazhra Bizbiz – 24 ans – Créatrice et gérante d’une boutique – Rabat

« J’ai lancé un projet typiquement marocain, mais revisité avec une touche moderne. Je fabrique des sacs en cuir, des porte-clés mais aussi des parfums d’intérieur. Mon but est de raviver l’artisanat marocain. Sur la base de sacs cabas et de tote bags simples, je couds des tissus typiquement marocains, comme des tapis et des hendira. Je me base vraiment sur la créativité et l’innovation. C’est aussi pour cette raison que ma boutique s’appelle « Anaya ». C’est un mot berbère qui veut dire « note de musique ». Je veux à tout prix refléter l’harmonie possible entre la tradition et la modernité. »

Imrane – 26 ans – Etudiant en communication politique et professeur de théâtre – Rabat

« Mon style, c’est la première impression que je donne aux gens. C’est aussi pour ça que je mixe différents styles : ils correspondent aux différentes facettes de ma personnalité. En portant cette tenue, je montre mon attachement à mon histoire, mais aussi celui que j’ai envers la mode. Comme on dit souvent ici, il faut satisfaire l’œil avant tout. Et le mien est très gourmand. Je crée aussi certains modèles que j’envoie à mes amis. J’espère un jour créer ma propre marque de vêtements, mais c’est difficile au Maroc quand on n’est pas dans ce monde-là. »

Yousra – 19 ans – Etudiante en langues – Rabat

« La mode, c’est vraiment quelque chose qui me passionne. C’est une réelle inspiration au quotidien. En revanche, j’ai beaucoup de mal à définir mon style. Je ne suis pas vraiment la mode occidentale, même si je suis abonnée à beaucoup de blogueuses turques qui s’en inspirent. J’aime les turbans traditionnels, mais surtout j’aime les associer à mes accessoires. Malgré ça, je ne respecte pas trop le côté religieux dans mon style parce que c’est très difficile de respecter le hijab classique. Selon moi, les personnes qui aiment associer le coté religieux à la tendance restent une minorité. Ceux qui s’en distancient tendent à le faire radicalement. »

Ilyass – 21 ans – Photographe – Tanger
Adil – 24 ans – Skateur professionnel – Ouezzane

Ilyass : « Pour moi, le style vestimentaire c’est vraiment quelque chose de très personnel. Mon but n’est pas de me différencier des autres ou d’être unique, mais simplement de faire ce qui me plait. Au Maroc les gens me trouvent différent ; c’est rare de croiser des skateurs avec des longs cheveux et des tenues débraillés. J’imagine que ça serait bien différent en Europe. Je n’essaie pas vraiment d’atteindre un style car la mode c’est déjà un style de vie. Quand tu t’habilles bien, automatiquement tu te sens bien et ta journée se déroule bien. »

Adil : « Au Maroc, une grande majorité des gens se ressemblent. C’est comme si tout le monde voulait s’habiller de la même manière. Je trouve ça très ennuyeux. Moi, si je m’habille comme ça, ça n’est pas pour me démarquer mais plutôt pour me sentir moins comme eux. »

Issrae – 26 ans – Tetouan

« Je suis passionnée par les voyages ; je m’inspire beaucoup des lieux que je visite où je fais très attention aux détails. J’ai la même habitude pour mes tenues. Je porte toujours mon foulard, j’adopte simplement un style qui me permet de rester dans le respect de ma religion, tout en suivant les tendances. J’estime que la religion ne doit pas limiter la femme musulmane. Avec un peu d’adresse et les bonnes inspirations, tout est possible. »

Walid – 27 ans – Musicien – Zurich

« Je ne connais pas vraiment la signification du mot mode, je n’appartiens pas à ce concept. Je m’inspire principalement du style des années septante et du mouvement hippie. J’aime dessiner et créer mes propres modèles, collectionner des vêtements et des tissus de couleur. Ensuite, soit je les envoie à une amie, soit je les confectionne moi-même. Je suis d’origine marocaine et je porte souvent mes vêtements traditionnels pour les grandes occasions. Il m’arrive aussi de les associer à mes tenues quotidiennes et même de les porter à mes concerts.

En ce qui concerne mon style, sincèrement, ça ne m’intéresse pas vraiment de savoir si la société marocaine le tolère ou non. Si les gens veulent me juger, c’est leur choix et je ne peux pas faire grand chose pour eux. Je vis actuellement en Suisse, mais là-bas aussi les gens ont tendance à me juger sur mon style. Finalement, les gens jugeront toujours et partout, Rabat ou Zurich. »

 

 

En pleine mutation, la société marocaine se renouvelle et évolue à son rythme. Et le domaine de la mode n’est pas en reste. Même si une norme vestimentaire est encore observable, certains styles détonnent et se démarquent. Ainsi, en se baladant dans les rues de Rabat, les possibles préjugés relatifs à une « mode pudique » s’écroulent rapidement. Point d’extrême. On ne croise ni punk à crête, ni métalleux vêtu de cuir. Mais les Rabatis, et les Marocains en général, ne sont pas en reste. Ce que nous retiendrons de notre focus sur la mode marocain et sur le ness-ness, c’est qu’ici, l’originalité est souvent subtile.

 

Un article de Marie UMUHOZA et Bassma AGOUR, Hind MASHAR, Meryem AIT OUAANNA, Salma BELHAJJ’ALI

 

 

Du 21 au 28 avril 2018, une partie de notre rédaction était à Rabat, capitale administrative du Maroc. Depuis l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC), et pour la seconde année consécutive, nos reporters ont collaboré avec des étudiants marocains le temps d’une semaine. Objectifs : découvrir la réalité de l’autre, interroger la société marocaine depuis un point de vue belge, et inversement. A l’occasion de cet échange, nous avons décidé de vous parler l’art underground. L’art est ici envisagé comme un vecteur d’expression, un moyen d’approcher le Maroc contemporain, complexe et multiple.

Après ce déplacement à Rabat, aura lieu le match retour à Bruxelles. Dans une démarche similaire, les étudiants marocains viendront à Bruxelles pour interroger la société belge. Du 8 au 12 mai, aux côtés d’étudiants belges, ils réaliseront des reportages au sein de la rédaction du BBB. Tous leurs articles sont à lire sur notre site et nos réseaux sociaux.

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