05
Mar
2017

La liberté oui, mais à quel prix ? Le statut de pigiste reste très souvent associé à la précarité.

Youri, Florence, Jonathan et Charlotte témoignent des difficultés à se lancer comme indépendant dans le secteur culturel.

La liberté oui, mais à quel prix ? Le statut de pigiste reste très souvent associé à la précarité.

05 Mar
2017

Portraits : pigistes ou l’art de la débrouille

De plus en plus de travailleurs décident de se lancer en tant que pigistes, surtout dans le secteur culturel. Un choix à double tranchant car il offre plus de liberté, mais conduit souvent à la précarité. Nous sommes allés à la rencontre de quatre indépendants. Ils nous parlent des difficultés liés à ce statut particulier. Avec une question en ligne de mire : faut-il accepter d’être mal payé pour se lancer dans le secteur culturel ?

“J’ai travaillé trois mois comme monteur… bénévolement” (Jonathan, 32 ans, monteur)

En sortant de son lycée en France, Jonathan a un Bac S audiovisuel en poche. Il entame des études en cinéma à Lille, toutefois la formation étant onéreuse et trop théorique à son goût, il décide d’arrêter et de se lancer à son propre compte. Un schéma qui se répète puisque quelques années après, il intègre les Beaux-Arts de Tourcoing, obtient son bachelier et finit par s’endetter. Il part donc rejoindre sa compagne à Bruxelles et essaie de trouver des contacts dans la capitale. Aujourd’hui, Jonathan enchaine les contrats dans divers secteurs, notamment dans l’Horeca, pour subvenir à ses besoins parce que les jobs dans l’audiovisuel sont rarement rémunérés. Il vient d’ailleurs de finir le montage d’un long-métrage, montage auquel il a consacré trois mois… sans être rémunéré.

 

Travail à la pige, la liberté… mais aussi la précarité et le stress 

Etre pigiste, c’est la possibilité de varier les emplois, les rencontres et de posséder une certaine liberté d’action dans sa profession. Mais c’est aussi s’engager dans un statut instable : 13 individus sur 27 ont changé d’employeur en moins de 18 mois, selon les chiffres de la SMart.

“Ca génère un stress… on se pose des questions sur sa valeur en tant qu’artiste” (Charlotte, 26 ans, graphiste)

Après avoir suivi des études d’architecte d’intérieur et deux masters en design d’objets et design textile, Charlotte s’est lancée en tant que graphiste et scénographe freelance en 2015. Pendant un an, elle n’a vécu que de ça, avant de devoir prendre un mi-temps dans un job alimentaire. “Si non, on fait pas de courses et on mange des pâtes et du riz comme les étudiants“. Pour Charlotte, sa situation n’est pas une surprise. Dès le début des ses études, elle savait qu’elle aurait du mal à percer dans ce milieu assez bouché. Heureusement, les contrats se multiplient et elle compte vivre à temps plein de ses activités artistiques d’ici deux ans.

 

Pour Jörg Zimermans, porte-parole chez SMart, les inconvénients sont nombreux et l’absence de places permet aux employeurs d’exploiter les pigistes : « Travailler à la pige, c’est prendre le risque d’être engagé au coup par coup, vivre une irrégularité dans la production et surtout, accepter l’absence de revenus fréquents. Des revenus souvent faibles. La concurrence et l’obligation de respecter des délais parfois très courts sont également une source de stress importante pour les pigistes et cela aurait tendance à porter atteinte à la qualité de leur travail ». La SMart propose aux pigistes de travailler sous sa coupe, sous un statut de salarié, tout en bénéficiant de conseils, de formations et d’outils administratifs. Un service utile aux yeux de nombreux pigistes, mais un service payant.

“C’est bien de passer par une entreprise comme la SMart par laquelle on reçoit un salaire en échange de nos prestations” (Florence, 24 ans, blogueuse influenceuse)

Florence a 24 ans et est blogueuse influenceuse, elle s’est lancée officiellement au début de l’année 2017 et pourtant cela fait plusieurs années qu’elle travaille dans le milieu. Un influenceur, c’est quelqu’un qui, de par son statut, influence le comportement des personnes qui le suivent et ce, dans un domaine spécifique. Florence tire sa notoriété des réseaux sociaux et du bouche à oreille. Elle vit actuellement chez ses parents et n’a donc pas encore de frais à payer, mais elle est consciente qu’elle ne pourrait pas encore vivre de son activité.

Smart, seule aide possible ?

Smart n’est pas la seule société qui vient en aide aux pigistes. Merveilles.be est spécialisée en prestations artistiques, audio-visuel et communication, ainsi qu’à tous les secteurs d’activités, exception faite du bâtiment, de l’Horeca et du Bien-Etre. L’AJP, avec son action pigistepaspigeon.be propose, quant à elle, des campagnes pour sensibiliser le public, les décideurs, les politiques et les écoles de journalisme à la situation déplorable des journalistes indépendants travaillant à la pige.

Le nombre de pigistes en augmentation

Le recours aux pigistes progresse dans tous les secteurs mais surtout, le nombre de jours qu’ils prestent. Jörg Zimmermans, porte-parole chez SMart, prend l’exemple du secteur journalistique, qui connaît une hausse singulière des piges. En cause, le peu d’évolution du statut au fil de la carrière : « Il y a 10 ans, quand j’ai débuté chez SMart, les journalistes étaient pigistes quelques années puis obtenaient des CDD ou CDI. Aujourd’hui, ils restent pigistes plus longtemps et prestent un maximum de piges pour en vivre ». Il faut donc savoir accumuler les contrats pour durer dans la profession, dans l’attente de jours meilleurs.

“Il y a des périodes creuses, mais on sait s’en sortir facilement” (Youri, 23 ans, comédien)

Pour vivre de sa passion, Youri a opté pour la diversification. Etudiant en 1ère année de bachelier en théâtre et arts de la parole au Conservatoire de Bruxelles, il preste déjà plus d’une vingtaine de contrats par mois. Dans le théâtre, mais aussi dans des activités connexes, plus ou moins éloignées de son domaine de prédilection. Il sait qu’il devra continuer dans cette voie une fois diplômé. Pour le moment, Youri vit chez ses parents, ce qui lui permet d’avoir une assurance financière. Plus tard, il sait qu’il devra multiplier les contrats pour vivre de son métier de comédien.

Se diversifier et s’associer pour durer

En conclusion, pour se lancer et s’imposer durablement dans le secteur culturel, SMart conseille aux pigistes de se diversifier un maximum, de multiplier les emplois et employeurs. Il ne faut pas hésiter à travailler dans des domaines proches de ses domaines de spécialisation. Il est important de se regrouper entre pigistes, de faire profiter les autres de ses contacts et de ses ressources. Il faut aussi pouvoir se soutenir moralement et conseiller les autres pigistes dans les domaines où ils sont moins à l’aise. Se construire un réseau en somme.

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