Entre Spa et Francorchamp
25
Jan
2017

Interview de Luc Debontridder, climatologue à l’Institut royal météorologique.

Les répercussions dévastatrices du réchauffement climatique et les solutions envisagées pour y faire face sont dans tous les agendas politiques belges. © Juliette Favre

Interview de Luc Debontridder, climatologue à l’Institut royal météorologique.

25 Jan
2017

« La Belgique seule ne peut pas stopper le réchauffement climatique »

La tête dans les nuages et le nez dans les chiffres, Luc Debontridder analyse les tendances météorologiques. Climatologue à l’Institut royal météorologique (IRM) de Bruxelles, il étudie les températures, l’ensoleillement, la vitesse du vent, les précipitations, etc. Trois questions à celui pour qui le temps n’a presque plus de secret. 

Quelles sont les prévisions en Belgique à la suite du réchauffement climatique ?

Dans le futur, il va faire globalement plus chaud. Ça, on n’en discute plus. Ceux qui le nient encore viennent d’une autre planète. Mais les conséquences seront que pendant la saison estivale la fréquence des vagues de chaleur va augmenter. (…) De plus, la quantité de précipitations en période estivale, donc du 1er juin jusqu’au 31 août, va diminuer de 40 %. Par conséquent, il y aura de plus en plus de périodes de sécheresse qui toucheront notre agriculture. Il y en a eu une l’année passée dans les Ardennes par exemple.

Depuis 1900, les quantités annuelles de précipitations en Belgique ont augmenté de 10 %. Donc la fréquence des pluies intenses, de plus de 20 litres par m2 en une heure, a également augmenté. Le risque d’inondation est de plus en plus réel. On remarque aussi que le nombre de tempêtes hivernales diminue.

Qu’est-ce que la Belgique peut faire pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Il ne faut pas se faire d’illusions. Ça ne se résume pas à parler de taxes CO2, de bien isoler les maisons, de rouler avec des voitures électriques, etc. Le réchauffement de la Terre est un problème mondial. Les pays qui causent le plus ce problème sont les Etats-Unis, la Chine et l’Inde. Les Américains ont d’ailleurs un nouveau Président qui veut retourner au charbon, et ce n’est pas une solution. Or, ce sont les Américains qui émettent déjà le plus de gaz à effet de serre. J’ai un peu peur que toutes les conférences qu’on a eues à Paris et récemment à Marrakech ne rapportent rien.

Il faut aussi se faire à l’idée que, même si on réussit à ne plus émettre de gaz à effet de serre et qu’on passe au tout électrique, la durée de vie de ces gaz étant entre 30 et 50 ans, et avec tout ce qui a déjà été émis dans l’atmosphère, la Terre continuera de se réchauffer jusqu’en 2050. C’est aberrant que les gouvernements se soient dit qu’on devait limiter le réchauffement à 2°C pour éviter la catastrophe. Selon les climatologues de l’IRM, même si on réussit à faire quelque chose, ce serait ridicule. Enfin… ce ne serait pas vraiment ridicule, mais les gouvernements prennent des mesures beaucoup trop tard.

Si on prend les pays qui polluent le plus, ils ne savent apparemment rien faire. L’Inde a l’excuse de la pauvreté et d’une industrie vieillissante. Pour la Chine, c’est autre chose. Le pays est maintenant riche et a une économie tellement forte… Et bien sûr, quand on fait des scénarios pour le futur, il faut prendre en compte l’évolution de la population mondiale. Certains disent qu’en 2050 elle sera stable. Mais je ne le crois pas. Pourquoi en 2050, on se déciderait à dire que “c’est fini les enfants” ?! Plus la population mondiale va augmenter, plus on aura besoin d’énergie pour ces gens, et plus on devra trouver des moyens non polluants pour l’atmosphère.

On ne peut pas, nous les Belges, étant dans un très petit pays, trouver une solution pour les problèmes liés au réchauffement. On doit travailler avec les autres pays européens, par exemple l’Espagne ou même le Maroc, qui ont trop de panneaux solaires et pourraient nous en donner. Ce n’est pas un problème que la Belgique peut résoudre seule.

Sur quoi se basent les climato-sceptiques ? Pourquoi leurs résultats sont différents des vôtres ?

Ils disent que, quand on fait la reconstruction des températures depuis 1800 ou 1833, les graphiques en “hockey stick” (c’est-à-dire en forme de crosse de hockey, nom soulignant l’accroissement marqué des températures depuis les années 1900, ndlr) sont forcés et les chiffres incorrects. Ils prétendent également que l’IPCC (Intergovernmental panel on climate change, ndlr) reçoit de l’argent pour dire qu’il y a un problème.

Il ne faut pas oublier que les Etats-Unis ont beaucoup de pouvoir et que la plupart des climato-sceptiques s’y trouvent. En Europe, on est tous bien d’accord qu’il y a un problème. Mais aux Etats-Unis, l’industrie dépend encore largement du charbon, et ils vont donc évidemment nier et venir avec d’autres séries de températures. Le changement climatique est lié à l’économie. C’est très simple. Les Américains ne vont pas prendre des mesures pour fermer les mines de charbon, sinon beaucoup de personnes perdraient leur travail et ce serait très mauvais pour l’économie.

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