Saliha Ben Ali, protagoniste du film
28
Nov
2016

À travers deux documentaires, Jasna Krajinovic livre le témoignage poignant de familles brisées par le djihad.

Saliha, en prévention dans les écoles. (Image extraite du film "La chambre vide")

À travers deux documentaires, Jasna Krajinovic livre le témoignage poignant de familles brisées par le djihad.

28 Nov
2016

Mamans face à une chambre vide

Dans le cadre du festival de films Brussels in love au Centre culturel de Watermael-Boitsfort, Jasna Krajinovic est venue présenter ses deux derniers documentaires. La chambre vide et Ma fille Nora suivent le quotidien de mamans dont les enfants sont partis en Syrie, et plus particulièrement celui de Saliha et Samira, présentes au festival.

Saliha se bat contre la radicalisation violente depuis que son fils Sabri s’est envolé pour la Syrie, un triste jour du mois d’août 2013, laissant derrière lui une chambre vide. Il avait 19 ans. Sa mère a appris sa mort trois mois et demi plus tard, par un simple coup de téléphone.

Samira s’est également retrouvée face à un lit inoccupé en rentrant dans la chambre de sa fille Nora, 18 ans, un dimanche de mai 2013. Des rumeurs courent que sa fille est partie en Syrie. Samira apprend alors qu’elle a rejoint son amoureux, en réalité sur place depuis quelques mois.

La culpabilité au quotidien

« En 2013, on parlait très peu de radicalisation. Il y avait des signes, mais on ne les comprenait pas » dit Saliha. Quant à Samira, c’est une fois que sa fille est partie que tout lui revient en mémoire, que tout prend son sens. « J’entendais les signes sans les entendre, c’est comme si j’étais endormie » confie-t-elle dans Ma fille Nora.

On pensait que ça lui passerait.” Cette phrase, beaucoup de parents l’ont prononcée en mentionnant le changement de comportement de leur enfant. Depuis, la culpabilité les ronge du matin au soir, persuadés qu’ils auraient pu faire plus.

Cette culpabilité, la réalisatrice Jasna Krajinovic en a été témoin pendant trois ans, tout au long du suivi de ces familles. Ce qui l’intéressait, c’est la façon dont « la famille vivait ce départ, comment c’était vécu de l’intérieur ». Mais c’est surtout la férocité avec laquelle ces mamans s’engagent qu’elle a voulu illustrer. « Elles voulaient s’indigner, elles voulaient combattre, c’est ça que j’ai voulu filmer. »

Une justice déficiente

Ces deux mamans se sont retrouvées impuissantes face à l’inaction de la police, se justifiant par le fait que leurs enfants étaient majeurs. Beaucoup d’autres parents de jeunes parvenus à partir se sont indignés de ce système judiciaire défaillant. Dans le documentaire La Chambre vide, on entend notamment le témoignage d’une maman révoltée : elle était au courant des intentions de départ de son fils et s’est empressée d’alerter la police. Le parquet a jugé le dossier non prioritaire et le jeune homme est parti sans être interpellé.

La situation s’est-elle améliorée ? « Ça a évolué, il y a eu nettement moins de départs depuis, même si la radicalisation violente est encore bien présente. Par contre, ce qui me révolte, c’est que les recruteurs soient mis sur un pied d’égalité avec les recrutés, ou qu’ils soient même jugés moins sévèrement. Il y a un refus de la part de la justice d’accepter que ces jeunes sont des victimes », se désole Saliha. En effet, le célèbre prédicateur Jean-Louis Denis, qui aurait incité pas moins d’une dizaine de jeunes – dont Sabri – à partir faire le djihad en Syrie, a écopé d’une peine de cinq ans de prison en cour d’appel, contre une peine initiale de dix ans requise en première instance. Considéré au départ comme dirigeant d’une filière terroriste, il a finalement été jugé comme simple membre. Pour Saliha, qui s’était portée partie civile au procès aux côtés d’autres parents, cette peine est déplorable.

Une bataille sans fin

Aujourd’hui, Saliha s’implique activement dans l’association qu’elle a créée en 2015, S.A.V.E. (Society Against Violent Extremism) Belgium, ASBL petit à petit reconnue en Belgique. La prévention en milieu scolaire est leur préoccupation principale. Saliha se rend régulièrement dans les écoles pour raconter son histoire et mettre les jeunes en garde contre les réseaux djihadistes. Elle soutient également les familles désemparées et stigmatisées. Pour elle, c’est dans la prévention et la culture qu’il faut investir, et non dans le sécuritaire.

Samira, quant à elle, a écrit un livre racontant son désespoir après le départ de sa fille. Cet ouvrage, Le bonheur est parti avec toi, fut pour elle le moyen de ne pas s’effondrer. Par leur volonté de sensibilisation, le combat que mènent ces deux mères continue au-delà d’un espoir de retour.

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