07
Jan
2015

La Belgique condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit à un procès équitable.

La Belgique condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit à un procès équitable.

07 Jan
2015

Droits de l’homme : la Belgique, une bonne élève?

Le mardi 18 novembre, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Etat belge pour la violation du droit à un procès équitable dans quatre dossiers différents. Ces affaires rappellent le célèbre arrêt Taxquet contre Belgique qui, en 2009, a fait jurisprudence concernant la motivation des verdicts de Cour d’assises. Retour sur une affaire sans précédent qui a bouleversé la justice des pays européens.

En 2009, la Belgique est condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’affaire Taxquet contre Belgique, pour avoir violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit à un procès équitable.

Richard Taxquet avait été condamné en 2004 par un jury d’assises à vingt ans de prison pour avoir organisé l’assassinat d’André Cools.
Plaidant non-coupable, Taxquet se sentait lésé par une condamnation dont le verdict n’avait pas été motivé. La législation belge, qui ordonnait aux jurés de ne répondre qu’à une série limitée de questions pour définir leur verdict, ne permettait effectivement pas à l’accusé d’être éclairé sur les raisons de sa condamnation, indique Nicolas Hervieu, Juriste au CREDOF et chargé d’enseignements à l’Université Panthéon-Assas. Alors vox populi, vox dei ? Pas toujours. La CEDH a tranché et l’arrêt européen de 2004 contraint la Belgique à changer sa législation : tous les verdicts des jurés devront désormais être motivés.

Les conséquences de l’affaire Taxquet ne s’arrêtent pas là. La France s’en inspire et avant même d’avoir été condamnée, change sa législation en réformant la procédure devant ses Cour d’assises et de Cassation. « C’est la première condamnation d’un pays pour ce motif, c’est pour cela qu’il fait office de Jurisprudence et qu’il est si important. Il a posé les principes de motivation de verdicts et d’autres Etats en ont tiré les conséquences », explique Patrick Titiun, chef de cabinet du Président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Car si les jugements de la CEDH ne condamnent que le pays incriminé, ses arrêts doivent être respectés par tous les Etats signataires de la Convention européenne des droits de l’homme.

La CEDH, un pouvoir supranational

Les conséquences d’une condamnation de la CEDH s’imposent aux états de plusieurs manières. L’état incriminé doit faire en sorte que la violation constatée dans une affaire cesse. Si cela n’est pas prévu par la loi, le pays doit donc prendre des mesures pour adapter sa législation. C’est le cas dans l’affaire Taxquet, par laquelle la Belgique, qui ne prévoyait rien concernant la motivation des verdicts de Cour d’Assise, s’est vue contrainte de créer une nouvelle loi (loi du 21 décembre 2009). Outre l’application immédiate de l’arrêt rendu, la cour prévoit encore des indemnités que le pays doit verser à la personne lésée. Le Comité des Ministres, organe exécutif du Conseil de l’Europe, veille à la bonne application des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme. Ce comité, composé des Ministres des Affaires étrangères de chaque pays signataire est, depuis le 13 novembre dernier, sous la présidence de la Belgique, représentée par Didier Reynders.

Les Etats qui disent non

Si certains pays acceptent pleinement les prérogatives de la CEDH, certains les ressentent comme une violation de leur souveraineté. L’exemple le plus frappant est celui du Royaume-Uni. Il y a dix ans, le pays avait été condamné par la CEDH car il n’autorisait pas le droit de vote aux détenus. Après la condamnation, le Royaume-Uni a refusé catégoriquement d’exécuter cet arrêt. Dépassant le simple cadre juridique, le bras de fer est maintenant diplomatique. « Nous n’avons pas besoin de recevoir des instructions de juges à Strasbourg », a annoncé en octobre dernier le Premier ministre anglais, David Cameron. Le cas britannique reste néanmoins minoritaire, la majorité des états ayant tout intérêt à respecter les arrêts prononcés par la Cour européenne des droits de l’homme. Le Royaume-Uni risque en effet des sanctions lourdes, comme celles subies par la Russie au printemps dernier, lorsqu’elle s’est vue retirer son droit de vote en assemblée parlementaire après l’annexion de la Crimée.

Si la plupart des pays respectent scrupuleusement les décisions de la CEDH, certains sont « les rois » de l’application a minima. La Belgique, ou encore la France, se sont faites à plusieurs reprises rappler à l’ordre pour une réticence répétée à vouloir changer certaines lois. Ainsi la France, sachant qu’elle risquait une condamnation de la CEDH en interdisant aux personnes gardées à vue d’être appuyées par leurs avocats, a attendu l’ultime moment pour changer sa législation. La Belgique a elle aussi été mise en cause pour l’extradition d’un détenu tunisien aux Etats-Unis en septembre dernier, extradition que la CEDH lui avait interdite.

La Belgique plutôt bon élève

Alors que la Turquie, l’Ukraine ou encore l’Italie font partie de la « liste noire » de la CEDH pour le nombre d’affaires portées contre elles devant la Cour, la Belgique semble quand même faire figure de bon élève. Sur 72.655 affaires jugées en 2014, seules 380 étaient belges. D’autre part, certains arrêts belges ont eu un impact retentissant au niveau européen.

Les avis de Patrick Titiun, chef du cabinet du président de la CEDH et de Nicolas Hervieu, Juriste au CREDOF et chargé d’enseignements (Université Panthéon-Assas) :

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