15
Avr
2017

Né en 2006, le Parti Pirate promeut une démocratie participative, transparente et horizontale. Il est aujourd'hui présent dans une soixantaine de pays, dont la Belgique.

Né en 2006, le Parti Pirate promeut une démocratie participative, transparente et horizontale. Il est aujourd'hui présent dans une soixantaine de pays, dont la Belgique.

15 Avr
2017

Le Parti Pirate, un cheval de Troie pour changer le système politique

Crise de la représentativité, crise de la légitimité, perte de confiance… Le monde politique d’aujourd’hui est mis à mal. Le constat est sans appel : notre système de démocratie représentative ne répond plus aux attentes des citoyens. Un sentiment de distance vis-à-vis de nos élus se développe aux quatre coins de l’Europe. Le mécontentement des citoyens se fait de plus en fort. Partout, la sensation d’être impuissant et de perdre le contrôle sur les décisions qui régissent notre quotidien. Il s’agit pour les citoyens de trouver des formes d’expression politique nouvelles, hors des canaux traditionnels. Et cette demande citoyenne, le Parti Pirate l’a bien entendue.

Une pirate dans l’hémicycle strasbourgeois

Né en 2006, en Suède, et en réaction à la loi du gouvernement suédois contre le libre partage de fichiers sur les réseaux peer-to-peer (qui permettent l’échange de fichiers et de données entre internautes), le Parti Pirate est devenu une Internationale en 2010. Il est aujourd’hui présent dans une soixantaine de pays à travers différentes sections autonomes, se rassemblant derrière des valeurs communes. Au premier plan de celles-ci : le libre partage en ligne et la protection de la vie privée sur Internet. Le Parti Pirate porte ses revendications au Parlement européen, où Julia Reda, eurodéputée allemande, est chargée de la réforme de la loi des droits d’auteur. Son objectif est de l’adapter à la culture numérique et d’harmoniser les législations au sein de l’Union.

Julia Reda, députée allemande au Parlement européen. Elle défend les idées du Parti Pirate, à l’image de Christian Engström et Amélia Andersdotter, ses prédécesseurs suédois. (Photo : Mike Herbst)

Si les pirates belges partagent ces convictions, elles ne représentent pas la priorité des sections belges aujourd’hui. Chez nous, le premier combat porte davantage sur la démocratie. « Quand on dit démocratie, ce n’est pas juste un mot lancé en l’air. » Renaud Van Eeckhout, 32 ans, est membre de la section liégeoise du Parti Pirate depuis cinq ans. Il explique : « La démocratie que l’on veut mettre en place est participative, transparente, ouverte et horizontale. Pour nous, ça semble évident mais ce n’est pas celle qui est appliquée par les autres partis. »

Changer le système de l’intérieur

Plus proche d’un mouvement citoyen que d’un parti, le Parti Pirate n’a pas pour objectif de construire une structure partisane classique et de participer à la “particratie” belge telle qu’elle existe aujourd’hui. « On rentre dans le système avec les règles du jeu qui existent mais pour changer ce système de l’intérieur, changer les pratiques, les modes de fonctionnement qui ne sont pas assez transparents », détaille Renaud Van Eeckhout.

S’ils rejettent la démocratie représentative telle qu’elle existe actuellement, l’objectif des pirates n’est pas d’être exclusifs et de rejeter d’autres partis. C’est d’abord de travailler ensemble. « Ce serait déjà un premier pas. » Et pour Renaud Van Eeckhout, il est plus simple de changer les règles de l’intérieur car rester en dehors du système et faire pression, c’est un travail très fatigant, et qui finit souvent par être bloqué par les institutions.

La démocratie participative en pratique

« Notre démocratie, on l’applique en interne, et c’est la meilleure preuve qu’on y croit », explique le Capitaine du crew liégeois, qui rassemble une vingtaine de membres. Chacun est libre d’amener une nouvelle proposition. Celles-ci sont débattues en ligne sur une plateforme participative. L’objectif est d’arriver à un consensus, avant de porter les projets en assemblée générale. C’est en assemblée que les décisions sont tranchées par un vote à majorité simple. Généralement, comme les propositions ont déjà été discutées et modifiées selon l’avis de chacun, il y a peu d’opposition. « Le vote devient une formalité. C’est le dernier recours finalement. » Une fois qu’un projet est validé, des groupes de travail se forment pour approfondir les sujets. « L’organisation de ces groupes est entièrement libre, tant qu’elle correspond aux valeurs de la démocratie que l’on porte », affirme Renaud Van Eeckhout. Une structure très souple, donc, et surtout pourvue d’une grande liberté d’action.

Manifestation contre le projet de loi ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement ou accord commercial anti-contrefaçon) et pour le partage des fichiers sur Internet, un combat commun des Pirates et du mouvement Anonymous. Photo : Alain Bachellier

Ouvrir le système de fabrication des décisions, c’est finalement le point de départ avant d’aborder d’autres questions. Par exemple, la mise en place d’un revenu de base universel, une des mesures phares défendues par le Parti Pirate. On rattache souvent le parti pirate à la démocratie liquide, système entre la démocratie directe et représentative, selon lequel on peut choisir de déléguer sa voix à une tierce personne. En Belgique aujourd’hui, les pirates ne l’utilisent pas en interne. « À l’image du référendum ou de la consultation populaire, la démocratie liquide est un outil de la démocratie. À chaque problème, il faut trouver la solution qui correspond pour le trancher. »

Internet, outil ou enjeu politique ?

Vincent Jacquet est politologue à l’UCL et spécialiste des dispositifs de démocratie participative. Il souligne que la formation du Parti Pirate reste extrêmement marginale, tant du point de vue des urnes que des participants. D’après lui, on trouve deux catégories parmi ceux-ci : « D’un côté, des altermondialistes actifs dans énormément de dispositifs d’actions locales. Le Parti Pirate est pour eux un engagement parmi d’autres, où Internet sert d’outil pour rassembler et favoriser un système démocratique horizontal. » De l’autre côté, ceux que le chercheur nomme les “ingénieurs sociaux”, qui s’attachent particulièrement aux enjeux politiques d’Internet : « Des personnes centrées sur une vision des outils informatiques permettant de mettre des connaissances et savoirs en commun, bien plus importants qu’avec des technologies traditionnelles. Et ainsi de prendre des meilleures décisions. » Hadrien Macq, doctorant en sciences politiques à l’ULg, a étudié le rôle d’Internet dans l’adhésion au Parti Pirate belge. Il parvient à la même conclusion : on retrouve des motivations distinctes à cette adhésion, fondées sur des visions différentes d’Internet. Un outil pour certains, un réel combat politique pour d’autres.

Élections 2018 à l’horizon

Les prochaines élections se jouant au niveau communal, il n’y a pas de travail commun à toutes les sections belges actuellement. Chacune est dotée d’une grande autonomie même si elles défendent des valeurs communes. À l’image de Liège, les sections du Parti Pirate de la Louvière, Anvers, Gand et Malines prennent à nouveau de l’ampleur, après un creux en 2012-2014. Entre elles, il n’existe pas de lien formel, même si les membres sont souvent en contact avec d’autres régions. Tous les membres ne se présenteront pas sur une liste pirate. La section du Brabant Wallon, par exemple, a choisi de rejoindre une liste citoyenne.

Pour les élections communales de 2018, la team liégeoise travaille sur un programme à base participative. Elle invite tous les Liégeois à amener leurs propositions et à en débattre dans des rapports égalitaires sur leur plateforme ouverte loomio. Le Parti Pirate se tourne vers ce type de plateforme numérique afin de garantir une mobilisation citoyenne maximale pour mettre sur pied un programme commun. Il utilise également d’autres outils, comme le wiki, qui permet à tous de consulter les communiqués du Parti, mais aussi le calendrier des activités ou encore les rapports de réunions.

Certains leur reprocheront de ne pas présenter de programme politique complet ou suffisamment étoffé. Mais avant tout, leur souhait est de porter un projet de société mettant en avant la démocratie et la justice sociale. Et la possibilité de faire de la politique autrement.

Oriane Renette

Dossier spécial “démocratie participative”

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