Fermeture de la route des Balkans
11
Mar
2016

L'Union européenne débat de la possible fermeture de la route des Balkans. Qu'adviendra-t-il des réfugiés ?

La fermeture de la route des Balkans fait débat. Photo : European External Action Service (CC BY-NC 2.0)

L'Union européenne débat de la possible fermeture de la route des Balkans. Qu'adviendra-t-il des réfugiés ?

11 Mar
2016

Fermeture de la route des Balkans : trois questions à Jessica Blommaert

Face à la crise migratoire, l’Union européenne semble dans une impasse. Les premiers discours d’ouverture et engagements d’accueil de la part de dirigeants européens se sont peu à peu effacés derrière les positions sécuritaires et les replis, jusqu’au sommet extraordinaire UE-Turquie du lundi 7 mars, où la décision est prise de fermer la route des Balkans. Une telle décision soulève maintes interrogations, touchant notamment aux valeurs sur lesquelles l’Union européenne s’est construite. Jessica Blommaert, en charge des questions d’asile et de protection au sein du Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers), nous répond.

On assiste depuis des mois à des tentatives de solutions variées et à des revirements de position de la part des pays européens (la politique d’ouverture audacieuse portée un temps par l’Allemagne, le repli des pays de l’Est sur eux-mêmes etc.). Cette décision commune de fermeture de la route des Balkans vous parait-elle cohérente de la part de l’Union européenne ?

Malheureusement, oui, c’est la continuité de la politique menée en la matière. Il y a des réactions diverses et relativement contrastées de la part des États membres. Mais la politique de manière générale se tourne vers la fermeture: celle des frontières extérieures mais aussi celles internes à l’Union, entre les pays membres, quand on craint un afflux soudain de réfugiés. La suspicion n’est pas nouvelle, depuis quelques mois, que cela soit au niveau des pays de l’Est ou des Balkans, on bloquait, filtrait, déjà les migrants. Cette route migratoire, fortement utilisée par les personnes qui arrivent en Grèce, est, en réalité, déjà fermée. La nouveauté est que maintenant cela devient une décision complètement assumée par l’Union européenne. Ils veulent bloquer ces routes pour lutter contre les flux irréguliers de migration, lutter contre les passeurs, trafiquants d’êtres humains, lutter contre ces conditions inhumaines et déplorables. Dans cette logique de fermeture, ça a tout son sens. Mais nous, on dénonce la fermeture qui mène à la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les migrants, que cela soit en Grèce, à la frontière avec la Macédoine. Ce sont des personnes qui ont fui la guerre ou la persécution. Près de la moitié sont des Syriens, d’autres sont irakiens, afghans, et sont donc, à priori, éligibles à une protection internationale.

Policiers et réfugiés

Blink Ofanaye : (CC BY-NC-SA 2.0)

D’ailleurs, dans quelle mesure cette initiative de l’Union porte-t-elle atteinte aux droits de l’Homme ?

On n’est plus du tout dans une approche de protection, mais on fait en sorte que ces gens n’arrivent plus en Europe. On le voit au niveau des négociations avec la Turquie, pour qu’elle accueille le retour des migrants : on fait ont sorte de bloquer dans leur mobilité ceux qui sont arrivés en Europe. Tout ça est quand même très limite au niveau des obligations internationales des États membres de l’Union européenne qui sont tenus, jusqu’à preuve du contraire, de respecter les conditions de la Convention de Genève relative aux réfugiés de 1951 .

Il y a des directives européennes qui s’appliquent dans tous les États membres en matière de traitement et de procédure des demandes d’asiles et de protection internationale. Là, tous ces engagements sont en train de passer à la trappe. Le droit d’asile, qui est un droit fondamental, est en train de se vider de sa substance. Les États membres s’affolent et prennent des mesures pour avoir le moins de migrants possible chez eux. C’est une violation de leurs obligations internationales, en vertu desquelles ils doivent enregistrer les demandeurs d’asile arrivés sur leur territoire et accorder une protection à ceux qui en ont besoin.  Le droit d’asile, droit de l’homme fondamental et universel, ne peut être relégué au second plan pour régler des petits intérêts nationaux de gestion des flux.

Policiers et réfugiés

Rasande Tyskar : (CC BY-NC 2.0)

La fermeture de la route des Balkans est-elle une conséquence de l’humeur protectionniste et sécuritaire de l’Europe quant à l’espace Schengen et ses frontières internes ?

C’est plus qu’une humeur protectionniste. Les États s’accrochent à leur souveraineté et veulent contrôler qui entre sur leur territoire, surtout quand il s’agit de migrants. Ce n’est pas une tendance nouvelle. Les 28 se replient derrière leurs propres intérêts nationaux. Il n’y a pas de solidarité au niveau européen sur les questions de l’asile, en particulier sur la répartition équitable de l’accueil des réfugiés. Il n’y a pas non plus de volonté de collaborer. Dans le but de contrer ce flux migratoire, les pays adoptent chacun des mesures et des législations de plus en plus restrictives, pour se rendre moins attractifs et que les migrants ne choisissent pas de venir chez eux. Tout ça va complètement à l’encontre de l’idée de libre circulation au sein de l’espace Schengen. La Belgique est un bon exemple. Elle vient de renforcer les contrôles, notamment avec la frontière française et le long de sa côte, pour éviter que certains migrants de Calais, qui se seraient retrouvés sans aucune infrastructure, arrivent sur la côte belge. Les autorités ont pris des mesures complètement disproportionnées, contraires au code de Schengen. Ce code est très clair sur les exceptions liées à la liberté de circulation et met des critères très stricts pour le rétablissement des frontières intérieures. On voit bien qu’à ce niveau-là, les États font quand même ce qu’ils veulent, ce qui est évidemment un grand problème.

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