17
Oct
2014

La virtuosité aux feux, le cirque à la porte des portières : cette pratique sud-américaine a envahi les carrefours encombrés de l’Europe pressée.

La virtuosité aux feux, le cirque à la porte des portières : cette pratique sud-américaine a envahi les carrefours encombrés de l’Europe pressée.

17 Oct
2014

Jonas jongle avec le monde

« Ma nationalité, c’est le monde ». Jonas, 27 ans est d’origine Suisse. Aujourd’hui, il jongle aux feux rouges. Il a passé ses dix dernières années à s’échapper de son pays natal, trop ordonné et trop propre à son goût : « j’avais l’impression de vivre dans un musée ». Après le lycée, à 16 ans, Jonas s’envole pour l’Equateur. Durant ce voyage, sa vision du monde et de la société évolue. Il prend conscience de la valeur des relations humaines et après cela, « n’a plus eu envie de vivre dans les structures normales ». Il entreprend alors un grand périple en Amérique du Sud où il rencontre rapidement des jongleurs de rue. Ces artistes atypiques et généreux l’attirent, et Jonas, jongleur en herbe, décide de partager leur vie. Il se prend au jeu. Et quel formidable jeu !

Une vie de feu(x) !

Les feux rouges deviennent son lieu de travail et ses quilles, sa plus-value. Jonas concocte des numéros incroyables. Ce mode de vie se révèle surtout un réel plaisir avant de constituer un moyen de survie. En Amérique du Sud, l’art de rue est une pratique courante et le métier de « semaforiso » (« feu rouge » en espagnol) est reconnu. Il parcourt la Bolivie, le Pérou et le Panama avec son sac, ses quilles et ses balles puis retourne en Europe et s’installe à Berlin où l’activité artistique aux feux rouges est légale. L’été, les conditions sont idéales mais l’hiver en Europe est trop rude. Jonas rentre alors en Amérique du Sud, son « chez lui ». Il y affine sa technique et ses qualités l’amènent à devenir responsable d’un cirque ouvert à tous, professionnels et amateurs. Cette activité lui plaît. Il entend alors parler d’une « école du cirque » à Bruxelles…

En septembre 2014, Jonas atterrit à Zaventem. Les grands boulevards de la capitale lui donnent du fil à retordre. Il se produit chaque week-end pour le grand plaisir des enfants qui espèrent que le feu ne soit plus jamais vert. Jonas aime voir leurs sourires émerveillés et apprécie particulièrement la tête des parents, de mauvaise humeur, sommés par leur marmaille de donner une petite pièce. Avec son colocataire, ils se partagent les carrefours. Lui, est Vénézuélien, comme la plupart des jongleurs de rue. Jonas est une « sorte d’exception » : un Européen désormais imprégné des coutumes d’Amérique du sud.

« Les gens dans les Porches te donnent dix centimes max ! »

« Habituellement, les personnes avec des voitures très chères ne donnent rien ». La générosité des gens ne dépend pas de leur richesse. Il y a plusieurs années, Jonas pouvait gagner 100 euros par heure. Aujourd’hui, il gagne moins : « les gens sont plus méfiants ». Ce ne sont pas les belles voitures qui rapportent le plus mais plutôt les familles en voiture amusées par ce spectacle qui les sort un peu du quotidien pendant quelques secondes. Jonas sélectionne aussi ses cibles potentielles. Il a dix secondes pour empocher son butin. Il sait qu’un homme, scotché à son téléphone pendant la prestation, ne donnera rien. Jonas connaît les trucs et astuces. Il sait vers où se rendre… Question d’habitude.

Toute une vie pour… 40 secondes

Aujourd’hui, Jonas vit de ses performances aux feux rouges. Il adapte son mode de vie à ses revenus. « Mon frère ne saurait pas vivre comme je vis, il ne pourrait pas habiter dans une maison un peu cassée et dans un quartier un peu dangereux ». Jonas se revendique « du voyage », il se satisfait de son art, de ses rencontres et de sa grande passion : le cirque.

Derrière chaque minute de spectacle et derrière chaque feu rouge se cachent des heures d’entraînement. L’argent reçu parcimonieusement le récompense de tant d’années d’un travail qui exprime sa quête confiante d’un idéal de vie qu’il a atteint grâce à cet art éphémère. Un art qu’il pratique avec passion, méticulosité et envie. Tout un chemin de vie se niche derrière son numéro de quilles. Chapeau l’artiste !

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